La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 18 octobre 2012

Notre corps, c’est rien de plus que des feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie, il faut qu’il soit sacrifié !


Kobayashi Takiji, Le Bateau-usine, traduit du japonais par Evelyne Lesigne-Audoly, 1e éd. 1929, Paris, Éditions Yago, 2010.

Le roman raconte une campagne sur un bateau-usine japonais, pêchant et mettant en boîte le crabe, dans les mers du Nord, entre Japon et Russie – on est dans les années 30, en pleine confrontation d’avant-guerre. L’auteur ne décrit pas vraiment les techniques ou l’organisation du travail mais dénonce l’esclavage dans lequel sont tenus les ouvriers. L’embauche (ou plutôt le rabattage) est décrite, puis leurs conditions d’existence misérables. La promiscuité, la saleté, le froid, les tempêtes, les maladies, la violence des sévices endurés, tout cela est décrit avec un grand réalisme et tout est documenté. Étonnamment, pour un roman à thèse, c’est extrêmement prenant. En s’arrêtant tour à tour sur chacun des personnages, Kobayashi explique les mécanismes de l’exploitation : les paysans pauvres expulsés de leurs propres terres, qui vont grossir les villes, les usines, les mines, la fortune colossale des armateurs qui possèdent les bateaux (les conserves de poisson sont un produit d’exportation réputé), l’armée qui protège les intérêts économiques, les différences sociales entre Tokyo et les îles plus éloignées.

Le roman reste pourtant très humain, malgré sa dureté et sa noirceur. Les marins, pêcheurs et ouvriers sont décrits comme un collectif, il n’y a pas de héros individuel. Ce qui intéresse l’auteur est la façon dont les pauvres réagissent peu à peu face à leurs conditions. C’est un roman sur le travail très prenant, à la langue sobre.

Dans la mer d’Okhotsk, la couleur de la mer se changea brusquement en gris. Le froid piquant transperçait les vêtements des ouvriers, dont les lèvres étaient violettes. Plus l’air devenait froid, plus soufflait en bourrasque une neige fine, sèche comme du sel. Les hommes au travail sur le pont devaient se recroqueviller à plat ventre pour éviter les attaques des flocons qui venaient se planter dans les mains et les visages comme autant de minuscules éclats de verre.

Les avis de Catherine et de Choco.  


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu m'en voudras pas trop si je passe ;) !

nathalie a dit…

Ah ce n'est pas joyeux comme histoire, ce n'est pas facile mais passionnant. Je t'en veux pas quand même...