Kendall Taylor, Zelda et Scott
Fitzgerald. Les années 20 jusqu’à la folie,
traduit de l’américain par Camille Fort, 1e éd. 2001, Paris,
Autrement, 2002.
J’avais un poil de méfiance en
abordant cette biographie car je craignais quelque chose de trop binaire. Mais
si l’on plaint Zelda et que Scott est bien un beau salopard, Taylor restitue bien
la complexité et la profondeur de leur relation.
Il s’agit d’une biographie de Zelda et du couple Fitzgerald,
les deux étant envisagés comme une entité, ce qui est intéressant. S’il n’est
pas question pour moi de vous relater la vie de ces deux auteurs bien connus (et puis Asphodèle raconte très bien),
j’ai envie de souligner quelques aspects remarquables. Tout d’abord, la vie des
Fitzgerald a un point commun avec la biographie de Taylor : il s’agit de
collectionner les noms propres. Toutes leurs relations sont listées :
riches familles américaines, auteurs, condisciples de lycée, danseurs,
journalistes, stars, fêtards… Certaines reconstitutions de milieux sont
impressionnantes comme le New York, le Paris autour de Gertrude Stein, les
clubs de jazz noir américains de Paris… Le décalage d’époque est aussi
impressionnant. On connaît le plaisir que prend Zelda à choquer son
monde : par exemple, elle se rend à la piscine de Montgomery alors qu’elle
est enceinte, et la vue de ce gros corps de femme est apparemment un grand
scandale ! J’ai aussi été frappée par le fait que Taylor peut reconstituer
le moment exact de chaque photo de Zelda qui nous est parvenue : on est
bien loin de notre époque où les photos se multiplient chaque jour !
En ce qui concerne le couple
Fitzgerald, tout est raconté, de la rencontre à la destruction. Le personnage
que chacun joue, ses faiblesses et ses contradictions. Il manque quelques
considérations sur les œuvres littéraires à mon goût même si je reconnais que
ce n’est pas le propos de l’auteur. Mais à propos de Gatsby le magnifique cela m’a manqué. Il faut reconnaître que Taylor le
fait très bien à propos du personnage de la flapper, montrant bien ce que ce mythe doit à de vraies
jeunes filles et notamment à Zelda qui incarne un modèle dans son paroxysme,
comment il doit aussi à plusieurs écrivains et notamment à Fitzgerald qui
reprend des pages et des tirades de sa femme tout en créant un véritable
personnage symbolisant toute une époque.
Période de liberté et de
conservatisme et de sexisme, tout est mêlé.
E. Hopper, Tables pour Dames, 1930
New-York, The Metropolitan Museum of Art, image RMN.
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Extrait d’une lettre de Zelda à
Scott, digne d’une peinture impressionniste :
La Madeleine était-elle rose, à
cinq heures du soir, et les fontaines chutaient-elles avec une délicatesse un
peu creuse dans le cadre que dessine l’espace sur la place de la
Concorde ? demanda-t-elle à Scott. Le bleu sortait-il en catimini de
derrière les colonnades dans la rue de Rivoli, à travers les Tuileries, et le
Louvre était-il gris et et métallique dans le soleil, et les arbres
ployaient-ils moroses au-dessus des cafés, et y avaient-il des lumières la
nuit, et le cliquetis des soucoupes, et les klaxons des voitures qui jouaient
Debussy ?
Je suis en train d’achever ma lecture et j’ai hâte de lire les écrits de Scott et de Zelda maintenant !
10/12 pour les 12 d'Ys. Une troisième participation au défi d'Asphodèle Fitzgerald et les enfants du jazz. Et une deuxième pour Histoire de familles.
Je me demande même si le terme "flapper" n'a pas été inventé pour Zelda ? A vérifier. Si tu lis la correspondance de Zelda et Fitz, enfin surtout celle de Fitz avec le gratin de l'époque, tu vas avoir un choc ! Je n'arrive toujours pas à m'en remettre, je crois même que je vais relire des passages qui m'ont interpellée... Quant au style de Zelda, il était très très imagé !!! :)
RépondreSupprimerEst-ce la Coupole sur le tableau?
RépondreSupprimerAspho : je ne sais pas ce que tu entends par "choc", il y a beaucoup d'extraits de leur correspondance dans la biographie et je n'ai pas d'illusion sur les rapports de force entre les 2.
RépondreSupprimerCath. Aucune idée, c'est un sujet typique de la modernité depuis Manet, tout ce que je sais.
Je voulais le lire pour les 12 d'Ys, mais je ne l'ai pas trouvé. Un jour peut-être... J'aime beaucoup les nouvelles de Francis Scott Fitzgerald. Jamais lu Zelda, en revanche.
RépondreSupprimerAvec une illustration de Hopper, pour coller à l'actualité.
RépondreSupprimerMiss Léo : j'ai vu que l'auteur sortait une autre bio des deux en janvier prochain, tu pourras peut-être la trouver.
RépondreSupprimerAlex : et oui, en plus il y a un vrai rapport entre la peinture de Hopper et l'écriture de Scott !