Honoré de Balzac, Les Chouans, 1827.
Un très bon roman d’aventures
écrit par Balzac, avant la grande aventure de La Comédie humaine.
On se situe à la toute fin du
XVIIIe siècle quand un général Bonaparte auréolé de ses victoires
n’est encore qu’un espoir possible à l’horizon d’une France dévastée. En
Bretagne et en Vendée, la situation est difficile. L’armée républicaine tient
les villes, mais les paysans occupent les campagnes, les chemins et les haies.
Balzac place ici le récit d’une de leurs dernières luttes – dont je vous
épargne le détail – dans une fiction s’insérant dans les événements du temps.
Ce roman est une réussite car il
présente aux lecteurs du début du XIXe siècle un moment de
l’histoire récente. La plupart d’entre eux ont certainement en mémoire ces mois
où l’histoire a basculé, tanguant d’un bord à un autre, et où toutes les
familles ont été touchées d’une manière ou d’une autre. Mais les personnages ne
sont pas des allégories et plusieurs sont des portraits très réussis.
L’héroïne, Marie de Verneuil, est
une grande héroïne balzacienne. J’ai particulièrement trouvé habile le fait que
sa véritable identité ne soit pas tirée au clair pendant une grande partie du
roman, ce qui lui permet toutes les ambiguïtés. C’est un procédé qui s’applique
à d’autres personnages comme à Corentin (qui est présent dans d'autres romans), et le lecteur sent
que ces personnages sont riches de possibilités et d’une personnalité sur
lesquelles nous n’avons qu’un aperçu. Marie est une femme sensible,
intelligente et rusée, ambitieuse, en proie à des désirs contradictoires,
passionnée, maîtrisant les rapports de force d’une société. Elle est parée du
prestige de l’aristocratie de l’Ancien Régime tout en étant du côté de la
liberté et de l’égalité républicaine. Ce misogyne de Balzac a réussi là un vrai
portrait. Le jeune héros fringant est loin d’être aussi réussi.
J’ai également aimé les membres
de l’armée républicaine qui inspirent une évidente sympathie à l’auteur. Hulot
est un brillant militaire, un héros républicain qui n’est pas sans faire penser
(c’est étrange) à un personnage de la IIIe République, solide pilier
d’un régime et d’idéaux encore vacillants, et aux grognards de Napoléon (le colonel Chabert par exemple).
Géricault, Portrait d'homme dit le vendéen, 1815-1819, musée du Louvre, image M&M. |
Et la Bretagne ? L’action se
passe à Fougères et sa région (ville qui sera celle du peintre Pierre Grassou). Il y a de très belles descriptions des paysages, de la campagne, de
l’organisation des cultures, des habitations qui montrent que Balzac a vu la
région et a été sensible à la lumière, au climat et à la beauté particulière de
cette région. La description du château de La Vivetière est celle d’un roman
néo-gothique (telle qu’évoquée par Rêve de monuments), comme un lieu chargé de mystères, décor d’un
épisode sanglant de l’histoire de France. Quant aux personnages des Chouans,
ils sont assez réussis. On sent que Balzac s’est fait plaisir en brossant des
portraits colorés d’hommes rusés et abrutis, tout à la fois bons sauvages et
représentants vivants d’une culture primitive.
Un grand plaisir de lecture, je
vous encourage vivement à vous lancer.
Mais elle marcha lentement, car elle
avait jusqu’alors ignoré la sombre majesté qui pèse sur un être solitaire
pendant la nuit, au milieu d’un site sauvage où de toutes parts de hautes
montagnes penchent leur tête comme des géants assemblés. Le frôlement de sa
robe, arrêtée par des ajoncs, la fit tressaillir plus d’une fois, et plus d’une
fois elle hâta le pas pour le ralentir encore en croyant sa dernière heure
venue.
Challenge Breton de Claudia Lucia et challenge Balzac de Marie qui organisait la LC. L'avis de Cléanthe, de Marie. Autres romans de Balzac chroniqués ici : La Fille aux yeux d’or, La Duchesse de Langeais, Ferragus, Madame Firmiani, César Birotteau, Voyage de Paris à Java, Les Illusions perdues.
Je profite de cet article pour
adresser un clin d’œil amical à Rachid et à sa famille.
J'ai beaucoup aimé moi aussi ce roman et en particulier le personnage de Marie. Par contre je ne te suis pas vraiment sur la misogynie de Balzac: un homme qui a écrit Eugénie Grandet et La femme de trente ans peut-il vraiment être dit misogyne?
RépondreSupprimerJ'ai lu Eugénie Grandet mais je précise ma pensée : Balzac a le chic pour créer de très belles héroïnes (comme Marie, ici, ou Eugénie ou la Duchesse de Langeais) mais pour assaisonner le tout de réflexions stupides et misogynes, en parfaite contradiction, comme s'il n'assumait pas du tout ses créations.
RépondreSupprimerAh oui, il faudrait que je lise les Chouans, tu finiras par me convaincre ! La région de Fougères, c'est également la région de Chateaubriand, Combourg est à cinquante km.
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec toi, Eugénie Grandet est égratignée, n'apparaît pas comme gratifiant la femme en général, bien que ce soit un personnage très attachant.
Je dois te dire un grand merci, Nathalie, et tu vas une lettre de ma part, je l'ai postée hier !
Très bonne semaine à toi !
Je dois aussi me plonger dans Chateaubriand...
RépondreSupprimer"grand merci" est peut-être exagéré vu la modestie du présent mais j'attends ta lettre avec impatience !
Je suis d'accord avec toi et sur la misogynie de Balzac et sur la réussite de Marie. Du fait qu'il en a fait un personnage tout en profondeur et en nuances, l'intrigue amoureuse m'a semblé beaucoup plus crédible que celle de La duchesse de Langeais, par exemple. Et c'est vrai que le marquis fait un peu fade à côté d'elle.
RépondreSupprimerJ'avais beaucoup aimé ce roman aussi !
RépondreSupprimerHum, mon père l'a dans sa bibliothèque, je vais lui demander de me l'envoyer. Merci pour cette idée de lecture. En ce moment j'ai beaucoup l'histoire de la Révolution française et de le Terreur. A bientôt
RépondreSupprimerOui Missy rejoins-nous !
RépondreSupprimerJe l'ai lu avec un peu de retard (j'ai été prise par le temps), et comme toi, j'ai beaucoup aimé ma lecture.
RépondreSupprimerJe me retrouve dans tout ce que tu as dit. J'ai particulièrement apprécié la richesse et la complexité de Marie de Verneuil C'est rare que les portraits de femmes de cette époque soient aussi réussis...
Oui, n'est-ce pas ? c'est une bonne surprise ! Un vrai plaisir à découvrir ce personnage.
RépondreSupprimerJe suis né on m’a dit que j’étais chouan … depuis je gère (anonyme algérien)
RépondreSupprimerLa suite ne pourra que remuer les connaisseurs du monde mystérieux de la chouannerie:
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/03/Mortd'Elbée.jpg/1024px-Mortd%27Elb%C3%A9e.jpg
Je m'étonne moi-même de ne pas avoir déposé un commentaire ici! j'étais pourtant persuadée d'y être venue. Ou alors j'étais encore absente.
RépondreSupprimerBon, tu me donnes envie de lire ou relire les classiques.
Est-ce que 93 de Hugo te tenterait comme LC? Je l'ai déjà lu il y a deux mille ans et j'avais envie de le redécouvrir. Quant aux chouans, j'étais persuadée de l'avoir lu mais je n'ai plus de souvenirs!
J'ai lu 93 pour la fac mais je le relirais volontiers en ta compagnie. Je serai tentée de réclamer après le 15 décembre si cela te va. Je dois dire que le roman de Balzac me paraît plus romanesque et aventureux. À vérifier.
RépondreSupprimerD'accord pour la LC et pourquoi pas pour le début Janvier le 10 par exemple? et comme j'ai deux LC en décembre. N'oublions pas que les Hugo sont des pavés!
RépondreSupprimerEt que les vacances de Noël avec ses longs voyages en train permettent de lire romans russes et classiques français ! Allez, noté pour le 10 !
RépondreSupprimerJ'enregistre aussi!
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