Anne Brontë, La Châtelaine de
Wildefell Hall, traduit de l’anglais par
Henriette Guex-Rolle, publié en 1848, lu dans la collection Bouquins.
Voici encore un roman
magistral !
L’entrée en matière est
déroutante car je ne m’attendais pas à un narrateur masculin, lequel présente
son frère et sa sœur en termes cavaliers. Un début original.
On ne tarde pas à comprendre. Le
narrateur est Gilbert Markham, un jeune homme de bonne famille paysanne, qui
écrit soi-disant à un ami pour lui raconter un épisode de sa vie. Une nouvelle
venue s’installe dans un château à moitié abandonné, elle suscite bien vite
toutes les interrogations de ses voisins. Mais cette belle châtelaine, qui se
dit veuve, est bien mystérieuse, et Gilbert en tombe petit à petit amoureux. La
narration change alors brutalement car la jeune femme, Helen, confie son
journal intime à Gilbert. Elle devient l’héroïne et raconte son mariage
malheureux et tout ce qui s’ensuit.
Parmi les points forts du roman,
il y a la parfaite représentation de la violence du monde victorien. À mon
avis, Brontë est plus directe et franche dans son écriture que les écrivains
des XXe et XXIe siècles qui placent leur roman à cette
époque. La soumission des femmes aux hommes est exprimée en termes crus du
début à la fin : la façon dont on les place auprès de maris riches, la
façon dont les jeunes hommes cherchent une bonne petite femme gentille leur
laissant mener leur vie, le rôle des mères et des conventions dans ce système.
Les femmes apparaissent seules et sans ami(e)s véritables, surtout sans
possibilité de les choisir puisqu’elles ne peuvent sortir. Brontë peint
également l’alcoolisme des riches jeunes gens, en termes crus et sans sympathie
aucune.
Osborn, Seule et anonyme, 1857, image piquée je ne sais où. Mais regardez bien les jeux de regards de ce tableau. |
Dans ce monde victorien, le mot
d’honneur est omniprésent, employé à toutes les sauces, pour justifier tous les
propos, ce qui est – à mon sens – exaspérant. De ce fait, le poids des ragots
est difficile à imaginer. À ce propos, Gilbert, le narrateur, est assez creux,
et m’a lassée avec ses idées de confiance, d’honneur et de fierté mal placées.
Helen est bien plus intéressante
dans son évolution. Elle semble réunir plusieurs personnalités : jeune
fille naïve, pleine d’esprit et d’espoir, amère, déçue, décidée, femme
d’action ne se laissant pas faire… elle ressemble aussi à une fille de pasteur n’ayant que Dieu et le
Ciel à la bouche, le roman est tout de même assez moralisateur. À la fin du
roman, elle est à la fois plus dure et froide et une jeune femme passionnée.
L’articulation entre ces deux caractères se fait quelquefois difficilement mais
j’ai aimé la profondeur psychologique du personnage. On sent que Brontë a
beaucoup réfléchi sur la difficile position de la femme à son époque et sur les
voies possibles pour s’assurer de son bonheur, essayant de faire coexister l’indépendance
et le mariage, les intérêts et l’amour. On retrouve à certains moments la
modération d’Agnès Grey même si on est loin du climat de douceur de ce roman.
Des personnages secondaires
intéressants, notamment lord Lowborough, être faible mais capable de lutter
contre ses faiblesses, montrant combien il est difficile d’être un homme
heureux en ce monde quand on n’a pas la parfaite maîtrise de l’idéologie
« virile ». Ce personnage est certainement nourri de l’observation
directe que l’auteur a pu faire de l’aristocratie quand elle était gouvernante.
Enfin, on a une peinture très
noire de la ville de Londres comme lieu de perdition, versus la simplicité du mode de vie campagnard.
Vous ne pouvez vous passer d’une
gouvernante et d’une domestique qui fait aussi bien et aussi consciencieusement
son travail sans recevoir ni gages, ni remerciements. Mais je donnerai mon
congé quand ce servage me sera devenu intolérable.
Un point sur l’édition : si
la traduction est bonne, elle se base sur une édition expurgée. Dans l’idéal,
il faudrait lire le texte en Phébus – épuisé. Voir le billet de George sur ces
problèmes. L'avis de George. Participation au challenge victorien d'Arieste, au challenge des soeurs Brontë de Missy et au challenge Histoires de famille de Sharon. Le challenge sur les soeurs Brontë finit en avril, mais je compte bien lire les romans de Charlotte, maintenant que je connais Emily et Anne.
Merci pour ce post sur la Chatelaine de Wildfell dans lequel j'ai retrouvé tous les éléments que j'avais apprécié dans ce livre. Il est bien vrai qu'Anne Brontë n'y va pas de main morte dans la description de la société et de ses personnages.
RépondreSupprimerje ne l'ai toujours pas lu mais tu me donnes encore plus envie (comment résister aux soeurs Brontë ?) :)
RépondreSupprimerEt oui Arieste, les frangines sont terribles.
RépondreSupprimerThe mad Stitch : cette franchise est ce qui m'a le plus frappée à ma lecture. On n'est pas dans le demi-mot.
Je lis en travers parce que je n'ai pas encore lu ce roman. :)
RépondreSupprimerCe texte a été réédité récemment en français. J'ai adoré ce livre et j'ai un faible pour Anne Brontë beaucoup moins connues que ses sœurs.
RépondreSupprimerJe te comprends Lili !
RépondreSupprimerOui Anis mais certaines traductions sont basées sur de mauvaises éditions, il manque notamment le début ! C'est le cas de celle que j'ai lue.
Coucou! Super billet! Etant bientôt en période d'examens je n'ai pas eu le temps de faire des billets sur mes auteures favorites mais je vais reprendre ensuite. J'ai très envie de relire les Hauts de Hurlevent.
RépondreSupprimerJe viens également de me procurer La Dame de Whitefall d'Anne Bronte.
Ne t'inquiète pas je compte relancer le challenge ou le poursuivre, j'ai de nouvelles oeuvres que j'ai trouvé récemment et de nouvelles biographies.
Bonne semaine!
Moi je continue mes lectures de toute façon ! Bon courage pour les exams.
RépondreSupprimerJ'ai lu Agnès Grey que j'avais aimé même si je trouve Anne peut-être moins douée que Emily ou Charlotte. Il faudra que je lise celui-là. je ne connaissais pas le challenge sur les soeurs Brontë.
RépondreSupprimerJe ne sais pas bien par rapport à Charlotte, mais elle est d'une veine très différente d'Emily : moins de passion mais plus de vérité ou d'observation humaine peut-être.
RépondreSupprimerJe suis revenue une seconde fois ton billet. Envie de lire les Brontë et frustrée de ne pas avoir assez de temps pour tout lire mais cela avance.
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