Mark Twain, Autobiographie.
Une histoire américaine. Volume 1. Traduit
de l’américain par Bernard Hoepffner, 1e éd. 2010, Tristram, 2012.
Vous pensez bien que je me suis
ruée sur l’autobiographie de Twain dès sa sortie. Je l’ai lue tout doucement au
fil des mois, car ça ne se lit pas du tout comme un roman.
En réalité, Twain a essayé
plusieurs fois d’écrire son autobiographie sans jamais y parvenir. Il existe
donc plusieurs débuts et fragments devant servir pour son autobiographie. Il a
ensuite trouvé la bonne formule : dicter à son gré, selon les idées qui
lui passent par la tête. Et décider que le texte paraîtrait un siècle après sa
mort pour pouvoir dire ce qu’il veut, à propos de qui il veut.
La bonne façon de faire une
autobiographie est de la débuter à un moment qui n’a rien de particulier dans
sa vie ; se promener librement dans toute sa vie ; ne parler que des
choses qui sont intéressantes à l’instant ; laisser tomber dès que
l’intérêt commence à baisser et diriger la conversation vers la nouvelle chose
bien plus intéressante qui s’est introduite entre-temps dans l’esprit.
Ce qui explique que la lecture soit quelquefois aisée, quelquefois plus barbante (difficile de s’intéresser aux grands hommes des États Unis du XIXe siècle), souvent inattendue. Il faut sélectionner les bons morceaux et en faire la lecture à voix haute à vos proches, ça passe très bien.
Dessin et aquarelle de Joinville, 1861-62
Blérancourt, musée
franco-américain, image RMN
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Qu’y trouve-t-on ?
Plein, plein de choses… Je
retiens, en vrac :
« Il
était très parcimonieusement garni de chair, ses vêtements paraissaient
s’affaisser dans des creux, comme s’il n’y avait rien dedans que l’armature
d’une statue de sculpteur. Son long visage, ses cheveux plats, son teint sombre
ainsi que son air rêveur et mélancolique paraissaient s’harmoniser à ces
détails avec justesse ; l’ensemble semblait tout particulièrement fait
pour rassembler votre attention fragmentée et l’orienter vers la
caractéristique la plus frappante et la plus personnelle de Stevenson, ses yeux
splendides. Ils brûlaient comme de riches braises sous l’auvent de ses
sourcils, et faisaient de lui un bel homme. »
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de longs souvenirs d’enfance, de sa famille, de
l’école, des siestes dans l’herbe. Il y a aussi un passage émouvant à propos de
l’esclave Hannah, qui est l’héroïne de la seule nouvelle de Twain où tout est
vrai (dans le recueil Le Rapt de l’éléphant blanc). Twain est d’une famille du Sud, possédant des esclaves, il est
devenu ensuite abolitionniste. Il raconte très bien cette époque où personne ne
remettait en question l’esclavage, où rien ni personne ne permettait de
s’indigner du système.
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la description hilarante d’une villa en Toscane et du
métro londonien. Comme nombre de familles américaines désargentées, les Clemens
ont vécu sur le Vieux Continent où la vie était moins chère.
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l’évocation émouvante de sa fille Susy
Le livre est plein d’une ironie moqueuse et affectueuse, à son propre égard et aussi pour les autres. Il est rarement méchant mais peut exprimer de très fortes critiques à l’encontre de la politique américaine.
Ce livre n’est pas un registre de vengeance. Quand j’y mets quelqu’un sur le grill, je ne le fais pas simplement pour le plaisir que j’ai à le voir frire, mais parce qu’il en vaut la peine. Cela devient alors un compliment, une distinction ; qu’il me remercier et se tienne tranquille. Je ne mets pas à frire le fretin, le banal, ceux qui n’en sont pas dignes.
Dessin et aquarelle de Joinville
Blérancourt, musée
franco-américain, image RMN
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On apprend beaucoup de choses sur
la vie américaine : la pauvreté dans les campagnes du Sud, la mortalité
infantile dont les chiffres sont importants (plein de frères et de sœurs morts
dans les familles). Twain a aussi gagné sa vie en faisant des conférences et
des lectures publiques dans des théâtres, il faisait des tournées dans le pays
avec un impresario, c’est très étonnant comme évocation. Il en livre moult
anecdotes et trucs pour la scène. Il y a aussi cette pratique des grands
banquets honorifiques et de leurs discours, des soirées philanthropiques, Twain
est de tous ces événements. Il raconte aussi ses déboires avec les éditeurs et
son absence totale de talent de négociateur.
Est-ce que tout est vrai ? Non, bien sûr, Twain est d’abord un formidable raconteur d’histoires. Tout est dans l’art de mener son récit sans ostentation mais avec habileté. Les notes sont là pour débusquer les exagérations. D’ailleurs il raconte des contes à ses enfants, soir après soir. Il ne fait guère autre chose tout au long de sa vie.
J’ai l’habitude de voir mes affirmations mises en doute. (…) Quand j’ai eu sept, huit, dix ou douze ans – dans ces eaux-là – un voisin lui demanda : « Est-ce que vous croyez vraiment tout ce que raconte ce gamin ? » Ma mère lui dit : « Il est la source de la vérité, mais on ne peut pas remonter toute l’eau de la source avec un seul seau » – et elle ajouta : « Je connais sa moyenne, il ne me trompe donc jamais. J’élimine les 30 pour cent qui sont de la broderie, et ce qui reste est une vérité parfaite et inestimable, sans le moindre défaut. »
Bref, après avoir semé des citations de Twain partout autour de moi, j'attends les volumes
suivants !
Degas, Un bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, 1873, Pau, musée des Beaux-Arts, image RMN. |
Je n'ai encore rien lu de cet auteur.. pas taper, je vais y remédier !
RépondreSupprimerAlors, le meilleur c'est Huckleberry Finn (dans la nouvelle traduction chez Tristram). Sauf si tu tiens à lire Tom Sawyer. Tom Sawyer est très bien mais moins bien qu'Huckleberry, il vaut mieux donc le lire avant pour ne pas être déçue. Sinon il y a la Vie sur le Mississippi qui est très agréable aussi. Et il y a pas mal de recueil de nouvelles aussi.
RépondreSupprimerHa mais c'est commode de demander à ce que ce soit publié un siècle après sa mort, on ne risque pas de le contredire, lol ! Et toi quand ça te barbe tu lis à voix haute pour souler les autres ??? Misère... :)
RépondreSupprimerJ'ai lu les nouvelles que tu m'as offertes (avec beaucoup de difficulté) et je ne sais pas comment en parler, je pense que je les relirai ! ;)
Qu'est-ce que tu lui mets à ce pauvre Twain ! Tu n'as pas aimé les nouvelles ? J'en suis désolée...
RépondreSupprimerJe ne lis à voix haute que les bons passages pour faire rire un Moustachu malade et fatigué ! Et ça marche, mauvaise langue !
Ma bibli le possède en deux exemplaires différents, c'est bizarre, mais en tout cas c'est long et j'hésite. Je note qu'il vaut mieux le lire en morceaux. De Twain je possède Le tour du monde d'un humoriste et des nouvelles (dont Un pari de milliardaires)
RépondreSupprimer2 exemplaires ? Je sais que Tristram a une collection de poche, c'est peut-être dû à ça. Effectivement, il faut le lire en piochant les bons morceaux (si tu veux je t'envoie des références de page)
RépondreSupprimerBeaucoup aimé Tom Sawyer et Huckleberry Finn, les deux! Je n'ai rien lu d'autres. J'ai apprécié les passages que tu cites de son autobiographie, en particulier ce lui de la mère...!
RépondreSupprimerIl y a de très très bons passages en effet !
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