Dino Buzzati, Montagnes de
verre, textes traduits de l’italien par
Jean et Marie-Noëlle Pastureau, rassemblés par Enrico Camanni, paru en Italie
en 1989 et en France en 1991, chez Denoël.
Livre repéré chez Eeguab et qui
m’a enchantée. Ce volume rassemble les textes de Buzzati consacrés à la
montagne et à l’alpinisme : nécrologies d’alpinistes, préfaces à des
livres sur la montagne, articles de presse à propos de l’aménagement de
téléphérique ou d’ascensions spectaculaires, quelques rares nouvelles. Buzzati
fait le portrait des héros quotidiens de la montagne, guides et alpinistes et
surtout le portrait des Dolomites, ses montagnes bien aimées.
Le ton est à l’enthousiasme et à
la retenue.
Pour attaquer le rocher, il faut être en état de grâce ; c’est à ce moment décisif qu’on fait le plus grand effort sur soi-même ; il faut chasser résolument toutes les petites lâchetés qui murmurent pour vous séduire, qui vous conseillent de rentrer. Il y a un intense conflit psychique jusqu’à ce que les mains soient entrées en contact avec la roche.
C’est aussi un voyage dans le
temps car il s’agit de la montagne du début du XXe siècle. La
montagne n’est pas encore démocratisée et d’ailleurs on s’ébahit devant les
premiers skis, ramenés de Norvège. Il s’agit encore de conquérir les Alpes et
une grande partie du livre contient des dates et des noms de voies : les
alpinistes font les sommets les uns après les autres. Et dans les années 50-60
on commence à tourner les regards vers l’Himalaya, le nouveau lieu des
exploits. Cela s’accompagne de beaucoup de réflexions sur le passage du temps,
sur les jeunes et les vieux alpinistes et ce qui les distingue, sur les
nouvelles générations, sur l’arrivée du tourisme en montagne, sur sa propre
expérience de grimpeur dans sa jeunesse. Buzzati mesure la fuite du temps à
l’aune de l’immobilité de la montagne.
L’auteur exprime de
l’enthousiasme pour louer la beauté de la montagne, de la crainte devant son
immobilité et sa puissance. Il explique l’intérêt des expéditions à ceux qui
n’ont jamais mis les pieds dans la montagne. Il relate les exploits et se
désole des catastrophes, car il y a beaucoup de morts tragiques dans ce livre.
Maillol, La Montagne, 1937, Pierre, Lyon, musée des Beaux-Arts, image M&M |
Il y a aussi une vraie sensibilité à la nature, à la beauté et à la solitude des espaces libres, sans non plus renoncer au développement économique. Buzzati essaie de concilier une vision contemporaine avec son besoin de poésie.
Moi qui ne connais pas la
montagne, qui n’aime ni la neige ni le caillou, qui n’a aucune envie de tâter
du ski ou de l’escalade, j’ai découvert un monde. Je suis enchantée. Les
premiers textes sont assez techniques, ce qui est assez déstabilisant, mais
l’on s’embarque progressivement dans ce domaine. C’est à mon sens un bon
complément au manga Le Sommet des dieux de Taniguchi.
En voiture je remonte la vallée
et je vous regarde, ma jeunesse est là-haut.
Et il n’en reste rien.
J’avais cru laisser pour toujours
quelque chose de moi sur ces roches si fières, si franches, si solides, aux
précieuses petites prises intelligentes juste où il faut, oui, j’avais cru y
inscrire pour toujours quelque chose de moi, et voici qu’au contraire je passe
en voiture à vos pieds, et je vous regarde, et je ne retournerai plus, jamais
plus sur vos parois, même si chaque année, au début de l’été, se réveillent en
moi des rêves dérisoires de reconquête.
Très heureux de ton sentiment sur ce beau livre, moi qui connais très mal la montagne. Et merci.
RépondreSupprimerC'est moi qui te remercie de m'avoir donné envie de lire ce livre alors que je suis comme toi vis-à-vis de la montagne !
RépondreSupprimervoilà qui donne envie en effet!
RépondreSupprimerOui, Eimelle, c'est vrai que je suis très enthousiaste.
RépondreSupprimerJe ne connais pas vraiment la montagne non plus, je n'ai jamais chaussé de skis de ma vie mais tous les récits s'y rapportant m'intéressent et quand c'est Buzatti qui écrit, alors je note !!! :)
RépondreSupprimerAh oui, Buzzati, ça fait tout. Tu verras, c'est technique au début mais après c'est bon.
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