La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 31 août 2013

Madame Sand est une bête que je ne vous engage pas à connaître et qui vous ennuierait mortellement ; mais George est un excellent garçon, plein de cœur et de reconnaissance pour ceux qui veulent bien l’aimer.


Martine Reid, George Sand, Folio biographies, 2013.

Tentée par George, je me suis acheté cette biographie de Sand. Je connais un peu le XIXe siècle, j’ai visité deux fois la maison de Nohant (et j’ai frôlé la 3e cet été) mais voilà qui m’a mis les idées en place.
Loin de moi l’idée de vous re-raconter la vie de Sand mais j’ai trouvé l’ouvrage de Reid très intéressant et utile. Bien écrit, il se lit vite. Il ne s’agit pas d’un gros ouvrage pointilleux (comme j’ai pu en lire à propos de Malaparte ou de Gautier) mais d’un livre abordant sereinement tous les aspects de la vie de Sand : sa vie privée, ses amants, le rapport à sa famille et à ses enfants, ses productions littéraires, son engagement politique et même son tempérament. Elle réussit à dépasser les clichés habituels (ribambelle d’amants, bonne dame de Nohant, fumeuse, etc.).
Portrait de George Sand en costume d'homme d'après Delacroix
gravure de Calamatta Luigi,
1836, Paris, musée Eugène Delacroix, image RMN
C’est une personnalité complexe : Sand campe des personnages féminins forts, mais son attitude envers sa fille, ou envers les autres femmes écrivains de son temps, est plus ambiguë. C’est le mérite de Reid de parvenir à effleurer toutes ses facettes : très féminine, voyant le champ littéraire comme le lieu de la camaraderie masculine, maternelle, soucieuse surtout d’indépendance. Je l’ignorais mais l’œuvre de Sand a été mis à l’Index par le Vatican en 1863 – et ce n’est pas parce qu’elle portait des pantalons ou pour la supposée mièvrerie de ses romans mais bien parce qu’ils prônaient un idéal d’indépendance et d’égalité et pour leurs idées politiques. Elle engage à cette occasion une importante correspondance avec Victor Hugo.

Autoportrait de Sand,
plume, Paris, bibliothèque de l'Institut,
image RMN.
En ce qui concerne les insultes confondantes que l’auteur a reçues tout au long de sa carrière, il est intéressant de voir que plusieurs émanaient d’autres écrivains qui admiraient véritablement son œuvre. Ainsi Flaubert, avec lequel elle entretient une longue correspondance, ils sont en désaccord, ne se comprennent pas toujours, mais chacun sait reconnaître en l’autre l’écrivain.
Ainsi s’exprime Flaubert :
« Vous, du premier bond, en toutes choses, vous montez au ciel, et de là vous descendez sur la terre. Vous partez de l’a priori, de la théorie, de l’idéal. De là votre mansuétude pour la vie, votre sérénité et pour dire le vrai mot votre grandeur. Moi, pauvre bougre, je suis collé sur la terre comme par des semelles de plomb, tout m’émeut, me déchire, me ravage et je fais des efforts pour monter… »
J’ai aussi apprécié ce qu’elle dit à Balzac, ayant bien compris le paradoxe entre la profondeur de ses héroïnes et ses bêtes propos sexistes dont elle ne lui tient pas rigueur :
« Le livre est une des plus belles choses que vous ayez écrites. Je n’arrive pas à vos conclusions, et il me semble au contraire que vous prouvez tout l’opposé de ce que vous voulez prouver. C’est le propre de toutes les grandes intelligences de sentir si vivement et si naïvement le pour et le contre (…). Je rêve de faire sur vous un long article (…) où vous seriez peut-être plus contredit en mille choses que vous ne l’avez jamais été, et où vous seriez placé à une hauteur où personne n’a jamais su vous mettre. Je trouve qu’on ne vous a jamais compris et il me semble que moi je vous comprends bien. »
Balzac sent probablement la justesse de ces phrases et lui propose en 1842 de rédiger la préface à la Comédie humaine, même si cela ne se fait pas.

Portrait de George Sand en Molière,
Photographie de Nadar, 1855,
Paris, BNF, image RMN
J’ai apprécié également que Reid traite la dimension professionnelle de l’écrivain : comment vit-on de sa plume au XIXe siècle ? Comment s’administre une production écrite ?
J’ai découvert avec plaisir que Sand avait l’habitude de parler d’elle au masculin, s’appropriant la langue sans complexe.

Une biographie qui sera sans doute insuffisante pour ceux qui connaissent déjà bien Sand ou ceux qui souhaitent se documenter sur ses romans, mais qui permet d’appréhender l’ensemble de sa personne dans toute sa richesse.

5 commentaires:

Marie a dit…

Une biographie qui pourrait me plaire. Je note.

Missycornish a dit…

Cette biographie a l'air très intéressante. Je ne connais pas grand chose de George Sand, je n'ai qu'un titre d'elle dans ma bibliothèque mais je pense la lire cette année. J'ai visionné le film Les enfants du siècle avec sa passion dévastatrice pour Alfred de Musset mais c'était de la fiction donc je doute que cela doit véridique. Enfin, il faut que je fasse une séance de rattrapage intensif!

nathalie a dit…

Cette bio est vraiment bien faite. 300 pages en gros.
Missy : je ne connais pas ce film mais c'est une approche comme une autre !

Anonyme a dit…

Martine Reid est une "sandienne" reconnue et de qualité, elle a souvent un point de vue particulier, tous les "sandiens" ne sont pas toujours d'accord avec elle, mais bon ! Elle avait écrit un livre très intéressant aussi sur Sand, si tu as envie de poursuivre cette lecture : "Signer Sand" chez Belin.
Bref, il faut que je lise cette bio, ce sera fait certainement en septembre et je suis contente de constater par ce que tu dis que Reid rompt les clichés !
Quant au film, il a plusieurs défauts (notamment une mauvaise digestion des infos!), mais la passion entre Sand et Musset fut très mouvementée et très très romantique, il faut lire le petit livre de José-Luis Diaz qui, à l'aide de plusieurs lettres de corresponds témoins des faits, rend bien compte de ce que cet amour fut : "sand et musset : le roman de Venise" chez Babel !
Merci pour ta participation au challenge !

nathalie a dit…

Merci chef ! Et je note ce livre qui a l'air intéressant en effet.