La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 6 décembre 2013

« Très moderne », entre ses lèvres, était le comble de l’admiration.


Guy de Maupassant, Mont-Oriol, 1887.

Un roman étonnant et peu connu d’un de mes auteurs fétiches.
L’action est en Auvergne, dans une ville d’eaux (les vertus miraculeuses de l’eau des volcans d’Auvergne ne sont pas nouvelles). Cela offre à Maupassant l’occasion de dresser le tableau satirique d’une médecine flirtant avec la charlatanerie (conflits d’intérêt des médecins, expérimentations fantaisistes, vertus non prouvées des bains) et de cette riche société oisive et mesquine.

Le docteur Bonnefille affirma que les eaux d’Enval seraient souveraines et écrivit aussitôt ses prescriptions.
Elles avaient toujours l’aspect redoutable d’un réquisitoire.

Le roman s’intéresse plus particulièrement à une famille : Christiane, jeune femme timide, son père, son frère et surtout son mari, Andermatt, un banquier juif. Ce personnage est particulièrement intéressant. Si l’on craint au départ de tomber sur un nouveau stéréotype antisémite (et plusieurs personnages portent en effet ces préjugés), Andermatt s’avère être un homme, certes obsédé par le profit, mais ayant bon cœur. En outre, sa figure fait écho à une autre, familière des romans de Maupassant, celle du vieux paysan riche et radin (comme dans le Pays de Caux). C’est ici le père Oriol qui manie intelligemment les terres, les dots de ses filles et le papier timbré. Le roman décrit aussi le passage d’une richesse basée sur la terre à un capitalisme moderne, celui des sociétés par actions. Oriol et Andermatt, tout en s’affrontant, se comprennent parfaitement. Le banquier réussit parce qu’il a parfaitement compris les besoins et les attentes de son époque. Est également évoqué le passage du pouvoir de l’ancienne noblesse corrompue et incapable à des hommes d’action nouveaux. Mais Maupassant n’est pas Balzac et ne décrit pas les mécanismes financiers de ces affrontements, se contentant des répliques et des états d’âme des uns et des autres.

J.-A. Bernard, Vue du Puy-en-Velay à l'aurore,
1901, Le Puy-en-Velay, musée Crozatier, image RMN
Il montre également une nouvelle corde à son arc en écrivant un roman d’amour via les personnages de Christiane et de Paul. Un amour passionné, romantique, avec tout l’attirail poétique : promenade de nuits dans les ruines, nature sauvage et inconnue (les cratères de volcan). Un amour qui cite explicitement Madame Bovary à plusieurs reprises, ce qui permet très vite d’instiller le doute sur ces sentiments passionnés.
Si le roman n’a pas l’efficacité terrible des nouvelles, je note que sa lecture permet d’avoir une vision plus complexe de Maupassant.

Puis il se leva, salua et sortit avec tant de promptitude que tout le monde en demeura stupéfait. C’était sa manière, son chic, son cachet à lui, cette brusquerie dans le départ. Il la jugeait de très bon ton et de grande impression sur le malade.



3 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit…

Un roman peu connu, en effet. Mais il est vrai que je ne suis pas une spécialiste non plus.

Margotte a dit…

Cela fait partie des romans de Maupassant qu'il me reste à lire ! Pourquoi pas cet été ? Merci pour cette nouvelle participation ;-)

nathalie a dit…

Alex : il n'est vraiment pas connu, je n'en avais jamais entendu parler !
Margotte : c'est toujours un plaisir !