Raphaël Jerusalmy, La
Confrérie des chasseurs de livres, Actes
Sud, 2013.
Le récit commence au moment
où François Villon est emprisonné, condamné à être pendu, attendant la sentence
dans une geôle. Dans la vraie vie, l’histoire s’arrête là, car on n’a plus
aucune trace du poète. Dans le roman, l’Église de France, et derrière elle le
Roi de France, chargent le poète d’une mystérieuse mission : permettre à
un imprimeur de s’installer à Paris et surtout faire venir des manuscrits,
manuscrits dont la pensée doit ébranler Rome. Enfin cela, c’est le début car la
quête des plus précieux manuscrits emmène Villon en Palestine.
Il y a plusieurs choses à dire
sur ce roman.
Il s’agit d’un hymne au livre, à
la littérature, à la poésie, au manuscrit. Le savoir se transmet sans que rien
ne puisse l’arrêter. Les cartes et les traités sont dotés d’un pouvoir, d’une
vie propre, comme si d’eux-mêmes ils essaimaient, permettaient à l’esprit
humain de se développer, d’échapper aux ténèbres. C’est une utopie naïve, mais
pleine de rêve.
La particularité est que
Jerusalmy invente une confrérie de chasseurs de livres (au nom prometteur) qui
organise clandestinement ce grand déferlement du savoir en Occident à l’aube de
la Renaissance. Cette confrérie est formée par de grands savants juifs,
résistants aux siècles et à la persécution depuis le désert palestinien. Elle
est ainsi l’auteur de ce grand bouleversement de civilisation. Il faut dire que
le roman contient nombre de références très fines à l’époque considérée.
Le problème est que je n’aime pas
du tout les théories du complot, même romanesques, même utopiques, même
sympathiques. Je trouve que c’est un manque d’imagination, que cela ôte à tout
récit sa vraisemblance, et même que cela rend une narration particulièrement
paresseuse (puisque tout rebondissement s’explique par la secte mystérieuse).
J’ai donc eu particulièrement du mal avec ce postulat. C’est pour moi la grosse
faiblesse du roman.
L’autre point fondamental est la
présence de François Villon. Je ne suis pas convaincue non plus. Sans doute à
cause du choix narratif : le roman commence quand Villon n’est plus
Villon, on ne retrouve presque rien de son personnage et de son univers. Il
semble un prétexte. Il apparaît comme un symbole du poète roublard, mais en
réalité n’a aucune prise sur les événements – puisque la confrérie décide de
tout. C’est à travers ses yeux que l’on suit principalement le récit et donc
que l’on découvre la Terre Sainte.
Dans les points positifs :
le rythme du récit, qui est très bien mené. Les chapitres longs et cours
alternent, ainsi que les tons : manigances complotistes, voyage en
Palestine, marchandage de manuscrits… Le roman se lit comme un roman
d’aventures. Les rebondissements, assez prévisibles, sont bien racontés et le
livre est séduisant sur ce plan.
Image censée représenter François Villon dans la plus ancienne édition de ses œuvres (Pierre Levet, 1489) image Wikipedia |
J’ai trouvé que les portraits
individuels et les explorations psychologiques étaient plus réussis que les
scènes de dialogues et d’interactions entre personnages, un peu prévisibles à
mon goût. Le rabbin Gamliel, l’italien Federico, le pape Paul II, le personnage
qui a pour nom François Villon, frère Paul, etc. sont individuellement réussis,
attachants et complexes.
Il ne s’agit pas du glorieux XVe
siècle. On explore les foires de France et les ports italiens. À Jérusalem il y
a certes les lieux saints, mais surtout l’entrelacs des lieux ruelles, le
désert et le face à face compliqué entre mamelouks, pèlerins chrétiens, juifs,
marchands…
Une sorte de gaieté émane des
reliures aux couleurs vives qui se pressent sur les rayons. À terre, des
amphores minces et élancées, contenant des rouleaux de papyrus, côtoient de
lourds coffrets cloutés. Il n’y a aucun banc, aucune table. C’est ici le
royaume des livres. Mêlés ainsi les uns aux autres dans une sorte de danse
muette et vide de sens, ils ne semblent pas être les œuvres de l’homme, ni pour
lui, mais dotés d’une vie propre, dégagée des textes mêmes qu’ils renferment.
Lu dans le cadre des Chroniques de la rentrée littéraire.
La phrase citation ne me tente pas vraiment.
RépondreSupprimerLe livre ne me tentait pas, je l'ai lu parce qu'on me l'a donné, mais ça n'a pas pris.
RépondreSupprimerJ'avais de trop grandes attentes, j'ai été déçue. Complots et sectes, je n'aime pas trop non plus
RépondreSupprimerL'histoire vu de l'envers du décors, alors.
RépondreSupprimerComme toi Miriam.
RépondreSupprimerAlex: pas vraiment l'envers. C'est une utopie, une fiction.