Gustave Flaubert, Trois contes, 1877.
Un cœur simple
C’est le récit qui m’a le plus
touchée, sans doute à cause de sa proximité. C’est l’histoire de la vie de
Félicité, servante fidèle d’une bourgeoise de Pont-l’Évêque. Créature simple,
trouvant sa place auprès de sa maîtresse, pauvre, s’attachant farouchement à
ceux qui l’entourent, c’est-à-dire son neveu, les enfants qu’elle garde et pour
finir un perroquet. Si Flaubert se moque doucement de la naïveté et de la
simplicité de son personnage, il la traite néanmoins avec affection. Il n’a
guère plus de considération pour les personnages secondaires, limités par les
considérations sociales.
Quand ce fut le tour de Virginie, Félicité se pencha pour la voir ; et, avec l’imagination que donnent les vraies tendresses, il lui sembla qu’elle était elle-même cette enfant ; sa figure devenait la sienne, sa robe l’habillait, son cœur lui battait dans la poitrine ; au moment d’ouvrir la bouche, en fermant les paupières, elle manqua s’évanouir.
J’apprécie l’atmosphère de
simplicité, de proximité, la parfaite connaissance du monde des petites villes
et des petites gens. Le monde de Flaubert est moins cruel que celui de Maupassant, même si l’observation est tout aussi fine.
Chaque matin, en s’éveillant,
elle l’apercevait à la clarté de l’aube, et se rappelait alors les jours
disparus, et d’insignifiantes actions jusqu’en leurs moindres détails, sans
douleur, pleine de tranquillité.
J. E. Millais, Mrs Heugh, à l'âge de 93 ans,
1872, musée d'Orsay, image RMN.
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La Légende de saint Julien
l’Hospitalier
Cette légende est le sujet d’un
vitrail de la cathédrale de Rouen, que Flaubert connaissait bien. Il raconte la
vie de Julien, du point de vue de l’être humain et de ses passions
intérieures : la soif du sang semble le guider paradoxalement jusqu’à la sainteté.
Je trouve le récit très habile, notamment pour rendre la fascination exercée
par les animaux sur le héros, au point où il ne peut résister à l’envie de
meurtre. Mais ça ne m’a pas vraiment plu !
Hérodias
Le drame se joue en quelques
heures dans le palais d’Hérode Antipas au moment de la mort de Jean-Baptiste
que Flaubert appelle Iaokanann. Le récit est centré sur le personnage du roi,
engoncé dans les querelles locales entre partis juifs, complots romains et
tribus arabes. La région apparaît en pleine ébullition incompréhensible. Salomé
y est une silhouette, aux mains de sa mère, une ombre qui danse. On est donc
assez loin de la pièce d’Oscar Wilde, mettant en scène une Salomé dansant sous
la lune, obscurément attirée par le prophète. Il y a beaucoup de notes
érudites, archaïsantes, archéologiques et historiques, qui rendent le récit
hermétique. Je le classe dans la
lignée de Salammbô.
Ce recueil a été voulu ainsi par
Flaubert. Si quelque chose relie ces récits, je le rattache à l’atmosphère de
magie religieuse, qui donne à des histoires d’individus qui pourraient être
banals, une auréole fantastique.
Lecture commune avec Sophie.
Ma soeur et moi avons une passion pour ce recueil !!
RépondreSupprimerTu as visiblement un peu plus apprécié que moi. Merci pour cette lecture commune ;)
RépondreSupprimerun des beaux récits de Flaubert, le film l'avait bien mis en avant
RépondreSupprimerj'ai toujours du plaisir à le relire ou à l'écouter en livre audio
J'ai vu Sophie que tu étais restée un peu à l'extérieur. J'ai l'impression que tu préfères Maupassant, qui serait sans doute allé plus vite et plus cruellement au fait. C'est vrai qu'il y a une espèce de froideur et de retenue ironique chez Flaubert.
RépondreSupprimerJe vois que Lili et Dominique me comprennent !
J'avais beaucoup aimé "Un coeur simple", mais je n'ai aucun souvenir du dernier.
RépondreSupprimerIl faut dire qu'il n'est pas très identifié au milieu des autres récits consacrés à la mort du baptiste.
RépondreSupprimerMerci de le signaler. J'ai bien envie de lire Herodias qui s'insinue dans mes visites de fresques...et mes lectures antérieures
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