Honoré de Balzac, Le père
Goriot, 1835.
J’ai relu cet ultra classique
avec un grand plaisir. Pour les étourdis, rappel des faits sur ce lien.
Le livre est connu d’abord pour
sa description interminable de la pension Vauquer à l’ouverture. Je l’ai lu
avec soin, frappée par tous les éléments de détail appelés à faire sens selon
Balzac. L’auteur semble y poser ses pions pour les sortir de son jeu au moment
voulu.
En quelque discrédit que soit tombé le mot drame par la manière abusive et tortionnaire dont il a été prodigué dans ces temps de douloureuse littérature, il est nécessaire de l’employer ici : non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot ; mais, l’œuvre accomplie, peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra.
Mais j’avais gardé le souvenir
d’un roman tout entier interminable et ce n’est pas du tout le cas. Il y a de
nombreux rebondissements dont je ne me rappelais pas et le roman a tout à fait
l’allure d’un roman feuilleton. Il y a tout d’abord les nombreuses tempêtes
sous le crâne de Rastignac, qui hésite à prendre parti entre la vie vertueuse
et sage, le désir de faire fortune, la tentation malhonnête, son admiration et
sa pitié pour le père Goriot, etc. Le personnage est complexe, il n’est pas un
simple arriviste, mais hésite entre différentes voies.
L’autre aspect qui fait la
célébrité du roman est qu’il s’agit du premier où des personnages de la Comédie
humaine réapparaissent. On a effectivement
un petit sentiment de familiarité en croisant la duchesse de Langeais, un jeune Rastignac dont on suivra l'ascension ou le banquier Nucingen. La pension elle-même semble un condensé de
tout l’œuvre de Balzac. La petite Victorine Tailleferre m’a tout de suite dit
quelque chose, ainsi que l’honnête maître Derville. Et puis Vautrin,
héros lui aussi de plusieurs romans. J’avais totalement oublié l’importance des
intrigues secondaires dans Le père Goriot et notamment le rôle tenu par Vautrin. Je me souvenais d’un vague
hâbleur, mais en réalité ce personnage donne une dimension policière et
mystérieuse à ce tableau de mœurs.
On pense avec plaisir au
romancier campant de grands principes, mais se lançant emporter par le plaisir
pris à camper de bons personnages secondaires. C’est ainsi que des personnages
secondaires apparaissent dans le milieu, disparaissent, ou jouent un bref rôle
décisif. Cela donne de la vie au roman et en fait le contraire d’un roman obéissant
à un programme.
- Goriot en fiacre, dirent les pensionnaires, la fin du monde arrive.
Goriot est un principe que Balzac agit, mais l’écrivain se projette dans Vautrin et Rastignac.
Et le père et ses filles ?
Ma relecture a complexifié le souvenir. J’avais retenu les deux filles ingrates
mais en réalité, Balzac (sans doute à son corps défendant, vu sa misogynie)
donne un portrait plus déchiré. Les filles sont certes cruelles et ingrates,
mais essayent tout de même de venir assister aux derniers jours de leur père.
Mais elles sont soumises au bon vouloir de leur époux, qui possèdent leurs
biens, leurs enfants ainsi qu’elles-mêmes.
- Elles ne sont pas heureuses ! Qu’il dormît ou qu’il veillât, l’accent de cette phrase frappa si vivement le cœur de sa fille, qu’elle s’approcha du grabat sur lequel disait son père, et le baisa au front.
Première page du manuscrit du Père Goriot, conservé à la bibliothèque de l'Institut, image RMN. Illustration du Père Goriot par Lynch et Abot, édition de A.
Quantin en 1885 (eaux-fortes), image Gallica.
Un très bon souvenir de lecture pour ma part !!
RépondreSupprimerIl fait partie des livres dont je ne me séparerai jamais!
RépondreSupprimerJe vois qu'il y a des fans !
RépondreSupprimerJe l'avais lu pour la description, justement. Et finalement, bien aimé.
RépondreSupprimerC'est un roman que j'aime beaucoup aussi. Merci!
RépondreSupprimerBravo Alex !
RépondreSupprimerMarie : j'étais sceptique avant cette relecture, mais finalement, je suis ravie.