La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 11 février 2014

On balayera le ciel chaque matin comme on balaye le pavé de Paris.


Paris futurs, textes de 1851 à 1906, anthologie constituée par Philippe Éthuin, parue chez Publie.net

Cette anthologie rassemble des textes d’auteurs du XIXe siècle imaginant le Paris du futur. Théophile Gautier ouvre le bal avec une rêverie sur les villes de l’Orient ancien, imaginant un Paris de palais et de parfums, de beauté et de gigantisme. Joseph Méry imagine un Paris où l’on serait venu à bout de cette immense plaie : la pluie (préoccupations de plusieurs auteurs). À partir de l’expression « le soleil d’Austerlitz » et de divers témoignages historiques, il conclut que les canonnades dispersent les nuages. Il faut donc construire des plateformes où installer des canons pour tirer contre la pluie. Et si ça ne marche pas, cela aura au moins le mérite d’occuper les ouvriers et d’éviter la révolution. 

L’homme ne naît pas pour ouvrir et fermer un parapluie jusqu’à la mort.

On s’est insurgé contre toutes les tyrannies, on les a toutes renversées ; deux tyrannies seules sont encore debout : la pluie et le portier !

C’est le soleil d’Austerlitz ! a dit Napoléon plusieurs fois. Ces quatre mots font réfléchir. Il y avait donc un soleil à Austerlitz, bataille livrée le 2 décembre, au nord.

G. Loiseau, J. Tribel, H. É. Ciriani, Projet architectural
1968, Centre Georges Pompidou, image RMN
Victor Fournel plonge dans un délire haussmannien, totalement anti-romantique. Là encore, ce n’est pas dépourvu d’ironie. On trouve également des textes de Tony Moilon qui imagine l’architecture d’un Paris socialiste, d’Arsène Houssaye, d’Eugène Fourrier qui étudie les graffitis laissés aux archéologues.

Un siècle de travaux assidus, dirigés par une demi-douzaine de préfets qui se transmettaient comme un héritage sacré la monomanie furieuse de la bâtisse et le delirium tremens de la démolition, en avait fait la capitale-type de la civilisation moderne.

Car on ne permettait pas aux monuments de s’éparpiller partout, sans ordre et sans méthode. Ils étaient centralisés.

A. Bruyère, Projet pour le Centre Georges Pompidou,
1971, Centre Georges Pompidou, image RMN
Ce recueil d’utopies architecturales a donc beaucoup d’humour. C’est une lecture très distrayante, mais aussi intéressante. En dépit de la beauté de leurs rêves, on sent que ces auteurs n’osent pas réellement se prendre au sérieux. Et tous, choisissent autre chose que les ruelles pittoresques et désordonnées, rêvant palais et grandes architecture, ordre, lumière et propreté. Urbanisme et hygiénisme vont de pair.

Il n’est pas besoin d’ajouter qu’on ne trouvait nulle part aucune de ces vilaines étiquettes qui écrivaient autrefois au coin de chaque voie l’histoire ténébreuse des mœurs et usages du vieux Paris. Plus de rues des Juifs, de la Truanderie, du Grand-Hurleur, des Mauvais-Garçons, du Fouarre, des Francs-Bourgeois, de Tire-Chape et de Vide-Gousset. Fi donc ! cela puait le moyen âge et la mauvaise compagnie !


2 commentaires:

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