La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 17 février 2014

Le vent chaud apportait, avec l’odeur du soufre, comme l’exhalaison des villes maudites, ensevelies plus bas que le rivage sous les eaux pesantes.


Gustave Flaubert, Trois contes, 1877.

Un cœur simple
C’est le récit qui m’a le plus touchée, sans doute à cause de sa proximité. C’est l’histoire de la vie de Félicité, servante fidèle d’une bourgeoise de Pont-l’Évêque. Créature simple, trouvant sa place auprès de sa maîtresse, pauvre, s’attachant farouchement à ceux qui l’entourent, c’est-à-dire son neveu, les enfants qu’elle garde et pour finir un perroquet. Si Flaubert se moque doucement de la naïveté et de la simplicité de son personnage, il la traite néanmoins avec affection. Il n’a guère plus de considération pour les personnages secondaires, limités par les considérations sociales.

Quand ce fut le tour de Virginie, Félicité se pencha pour la voir ; et, avec l’imagination que donnent les vraies tendresses, il lui sembla qu’elle était elle-même cette enfant ; sa figure devenait la sienne, sa robe l’habillait, son cœur lui battait dans la poitrine ; au moment d’ouvrir la bouche, en fermant les paupières, elle manqua s’évanouir.

J’apprécie l’atmosphère de simplicité, de proximité, la parfaite connaissance du monde des petites villes et des petites gens. Le monde de Flaubert est moins cruel que celui de Maupassant, même si l’observation est tout aussi fine.

Chaque matin, en s’éveillant, elle l’apercevait à la clarté de l’aube, et se rappelait alors les jours disparus, et d’insignifiantes actions jusqu’en leurs moindres détails, sans douleur, pleine de tranquillité.


J. E. Millais, Mrs Heugh, à l'âge de 93 ans,
1872, musée d'Orsay, image RMN.
La Légende de saint Julien l’Hospitalier 
Cette légende est le sujet d’un vitrail de la cathédrale de Rouen, que Flaubert connaissait bien. Il raconte la vie de Julien, du point de vue de l’être humain et de ses passions intérieures : la soif du sang semble le guider paradoxalement jusqu’à la sainteté. Je trouve le récit très habile, notamment pour rendre la fascination exercée par les animaux sur le héros, au point où il ne peut résister à l’envie de meurtre. Mais ça ne m’a pas vraiment plu !

Hérodias
Le drame se joue en quelques heures dans le palais d’Hérode Antipas au moment de la mort de Jean-Baptiste que Flaubert appelle Iaokanann. Le récit est centré sur le personnage du roi, engoncé dans les querelles locales entre partis juifs, complots romains et tribus arabes. La région apparaît en pleine ébullition incompréhensible. Salomé y est une silhouette, aux mains de sa mère, une ombre qui danse. On est donc assez loin de la pièce d’Oscar Wilde, mettant en scène une Salomé dansant sous la lune, obscurément attirée par le prophète. Il y a beaucoup de notes érudites, archaïsantes, archéologiques et historiques, qui rendent le récit hermétique. Je le classe  dans la lignée de Salammbô.

Ce recueil a été voulu ainsi par Flaubert. Si quelque chose relie ces récits, je le rattache à l’atmosphère de magie religieuse, qui donne à des histoires d’individus qui pourraient être banals, une auréole fantastique.


Lecture commune avec Sophie.

7 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Ma soeur et moi avons une passion pour ce recueil !!

sophie/vicim a dit…

Tu as visiblement un peu plus apprécié que moi. Merci pour cette lecture commune ;)

Dominique a dit…

un des beaux récits de Flaubert, le film l'avait bien mis en avant
j'ai toujours du plaisir à le relire ou à l'écouter en livre audio

nathalie a dit…

J'ai vu Sophie que tu étais restée un peu à l'extérieur. J'ai l'impression que tu préfères Maupassant, qui serait sans doute allé plus vite et plus cruellement au fait. C'est vrai qu'il y a une espèce de froideur et de retenue ironique chez Flaubert.
Je vois que Lili et Dominique me comprennent !

Alex Mot-à-Mots a dit…

J'avais beaucoup aimé "Un coeur simple", mais je n'ai aucun souvenir du dernier.

nathalie a dit…

Il faut dire qu'il n'est pas très identifié au milieu des autres récits consacrés à la mort du baptiste.

miriam a dit…

Merci de le signaler. J'ai bien envie de lire Herodias qui s'insinue dans mes visites de fresques...et mes lectures antérieures