Émile Gaboriau, Les Gens de
bureau, 1862, édité aux Éditions de Londres.
Un récit plaisant comme une satire de l’administration. À travers le
parcours d’un jeune homme, Romain Caldas, Gaboriau réalise le portrait de
différents types d’employés et de leurs misères. Tout y passe : les
stratégies pour avancer dans la carrière sans rien faire, la nécessité
d’augmenter son traitement, l’importance du rapport avec les collègues, la
multiplication des échelons hiérarchiques, le gaspillage, les reformes sans
rime ni raison. Nous croisons quelques types : l’employé fort de ses
droits, l’employé malade, l’employé qui reçoit mal le public, etc. C’est
habilement fait, plaisant à lire et pas ennuyeux ou répétitif.
Diminuer les traitements et accroître le nombre des employés, c’est l’essence même de l’administration. Restreindre les places, malheureux ! Que feriez-vous des nullités, des déclassés, et des cousins des grands personnages ?
H. Daumier, L'Amateur de café, 1841
Paris, BnF, image RMN
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Je sais que la raillerie des fonctionnaires est à la mode, pour de
bonnes ou de mauvaises raisons. Disons que Gaboriau a beaucoup plus de talent
que certains contemporains et boxe nettement au-dessus. Les formules sont
ciselées, le rythme est tenu pendant 200 pages. Si les portraits sont féroces,
les notes affectueuses ne sont pas absentes. Disons que l’auteur en a plus
après l’administration, aveugle et abstraite en son système, qu’après les
individus, petits malins tentant de faire leur chemin.
On lui reprochait un jour de voler l’Administration en ne travaillant
pas :
- On me paye, je donne mon temps, répondit-il
fièrement, on n’a rien à exiger de plus.
On pense naturellement à Gogol et à ses descriptions de la bureaucratie
russe, ainsi qu’à l’évocation de l’étude de droit au début du Colonel Chabert.
Le monde a changé aussi, depuis.
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