Le volume rassemble des textes au
statut différent : publiés partiellement, pas publiés, revus ou non, des
lettres.
Plus je découvre des textes peu
connus de Stevenson, plus je suis ravie (à la fin de l’été, vous aurez un petit
récapitulatif sur cet auteur).
J’ai commencé par me plonger dans
le livre sans lire l’introduction. Dans une première partie, L’Émigrant amateur, Stevenson raconte son
voyage de Glasgow à New York en bateau, détaillant ses compagnons de voyage,
les futurs américains. Nous sommes loin de l’imagerie du pionnier. Ceux qui se
lancent dans ce voyage sont plutôt des ratés habités par un espoir sans base
réelle, qui pensent que ce sera mieux ailleurs. Stevenson ne reste que 24
heures à New York et il s’embarque aussitôt dans un train spécial pour
émigrants à destination de la Californie. Nouvel expérience de la cohabitation,
À travers les grandes plaines. Il
découvre les Indiens en voie d’extermination, l’omniprésence du revolver et
surtout les grands espaces américains : forêts, plaines, montagnes, ciels
neufs. Ce sont de très belles pages que ces évocations de la nature. Stevenson
pense aussi aux vrais pionniers qui ont jeté ces rails sur la prairie, qui
voyageaient en chariot pendant des semaines, pour permettre à des gens comme
lui de traverser le pays.
A. Bierstadt, Merced river, New York, Metropolitan, image RMN. |
Ensuite, j’ai lu l’introduction
et plusieurs lettres de Stevenson, jointes au recueil pour comprendre le
contexte de ce voyage. Le jeune écrivain dandy promis à de beaux succès vient
de tout quitter, famille et amis, pour rejoindre sa Fanny. Celle qui avait été
très bien accueillie en tant que maîtresse est immédiatement rejetée dès qu’il
est question de l’épouser : une Américaine, plus âgée que lui, avec des enfants,
pas encore divorcée, quelle folie ! C’est un Stevenson malade, sans le
sou, sous le poids de ses futures responsabilités familiales et isolé. Ses amis
ne répondent pas à ses lettres pour le décourager – croient-ils. Stevenson est
donc seul, extrêmement malade, en train de basculer d’un monde à l’autre, il
quitte l’élite amicale familière pour se jeter à corps perdu dans l’inconnu et
l’écriture.
Seul, au fond de canyons aussi longs que stériles, notre train qui fonçait en sifflant réveillait l’écho endormi : seul à crier la vie par toutes ces terres de mort, seul acteur, seul spectacle qui valût la peine qu’on le contemplât dans cette gigantesque paralysie de l’homme et de la nature.
Reprenant le récit, j’ai ouvert
la dernière partie, Le Journal de
Silverado, qui raconte comment, une fois mariés, les Stevenson (avec
adolescent et chien) ont vécu pendant tout un été dans une mine d’argent
désaffectée, dans des conditions matérielles maigres mais devant un paysage
somptueux.
Cette lecture m’a beaucoup plu.
J’y ai d’abord trouvé beaucoup d’intérêt dans cette évocation des pionniers
venus du monde entier et voyageant dans des conditions misérables. On trouve
les Chinois de San Francisco, les noirs fuyant l’esclavage, les bandits, la
diligence et les serpents à sonnette. La description des paysages (plaines à
pertes de vue, Océan Pacifique, forêts, brouillards) est grandiose. C’est aussi
un voyage en compagnie d’un homme sensible, décidé à vivre et à faire vivre les
siens de sa seule plume, plein d’humour également. Stevenson est sensible au
tempérament du nouveau pays et à la poésie de sa nature. Il est impressionné
par la capacité des villes à apparaître et disparaître et déguste les premiers
vins californiens.
C’est aussi sans doute pour ces
pages si saisissantes sur les États Unis que Mark Twain a été si heureux derencontrer Stevenson (il en fait un très beau portrait).
On ne pouvait s’empêcher de
songer à la lassitude de ceux qui autrefois avaient dû y marcher, et
péniblement y pousser leurs attelages à l’allure molle du bœuf, sans rien
d’autre pour se guider que ce soleil du soir hors d’atteinte vers lequel on
progressait, et qui chaque jour reculait du même pas. On n’y avait,
semblait-il, jamais rien à dépasser ; aucune borne non plus à laquelle
mesurer son avance ; rien à voir qui eût pu reposer l’esprit ou
l’encourager ; une étape après l’autre, rien d’autre que cette désolation
de vert immobile sous les pieds, rien d’autre au loin que l’horizon fuyant et
moqueur.
J’inscris ce texte entre deux
challenges, le challenge victorien et le challenge western, même s’il peut en
sembler éloigner. Stevenson fuit en effet le monde victorien, l’autorité
paternelle, les préjugés de ses amis et leur esprit étroit, pour se plonger
dans l’aventure, à la découverte d’un nouveau continent. S’il ne croise pas de
cow-boys, c’est bien l’imaginaire des pionniers américains qui l’appelle. À son
retour, il écrira une histoire de pirates...
Destination PAL : le point sur la liste. Challenge victorien.
Challenge Il était une fois dans l'Ouest.
Comme je comprends ton plaisir, j'ai acheté il y a plusieurs dizaines d'années, euh peut être 20 ans un énorme pavé chez Payot regroupant tous les récits de Stevenson hors romans, dedans il y a ses écrits des îles, bien sûr sur la route de Silverado et des écrits de jeunesse comme sa balade en Ecosse ou sur les canaux et rivières de France
RépondreSupprimerC'est un bonheur de lire cet homme
Le texte sur les mers du Sud est le prochain sur la liste ! Je le trouve supérieur dans ce genre de récit que dans ses romans.
Supprimerje partage totalement ton avis, il est dommage de se cantonner aux romans même si ce sont de bons romans, je lui trouve une maitrise du récit dans ses écrits de voyage nettement supérieure
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