Mark Twain, N° 44. Le mystérieux étranger, laissé inachevé à sa mort en 1910,
première publication américaine en 1969, traduit de l’américain par Bernard
Hœpffner, édité en France chez Tristram.
Un des derniers romans de Twain,
un truc bizarre, on se demande ce qu’il a bien voulu faire.
L’histoire prend place en
Autriche, à la fin du XVe siècle, dans un château mystérieux, fonctionnant
en vase clos. C’est un atelier d’imprimeurs, un des premiers, les ouvriers sont
encore rares. Le narrateur, August (Theodor dans la version originale), est un
jeune homme de 17 ans. Arrive un mystérieux
étranger nommé N° 44, qui divise immédiatement les hommes entre ceux qui le
trouvent sympathique et ceux qui veulent le chasser. À partir de là,
les caractères de chacun vont se révéler et les événements les plus
fantastiques se produire. Devenu ami avec N° 44, August découvre la faculté de
devenir invisible, d’aller dans le temps, de manger des plats américains, de
boire du café viennois et surtout ses certitudes sur la vie, la mort, sur Dieu vont en prendre un coup.
Peu de chance de dormir du fait du froid et des rats et des fantômes. Pas que j’eusse vu le moindre fantôme, mais je m’attendais à tout moment à en voir, ce qui, en outre, était tout à fait naturel car cet endroit historique en était infesté, pour ainsi dire, étant donné la vie dure qu’il avait menée pendant sa jeunesse et son âge adulte – une vie pleine d’aventures et envahie par les crimes.
Le motif de l’étranger venu d’un
drôle d’endroit apparaît déjà dans l’une des nouvelles de Twain, mais ici la
portée et la violence du texte sont plus grandes et l’hypocrisie de chacun est
visée. La religion prend cher, alors que les thèses de Darwin pointent le bout
du nez. Le ton souvent naïf du narrateur fait ressortir l’ironie de la voix de
l’auteur qui transparaît et accentue la dimension critique de certains
portraits.
Imprimeurs et imprimerie typographique, dessiné par Stradanus (XVIe siècle) Paris, BnF, image RMN.
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Le roman est nourri de l’expérience de Twain comme apprenti imprimeur. Mais l’atelier
d’imprimerie est évoqué comme l’antre d’un magicien ou la caverne du diable. August
semble entretenir lui aussi un rapport ambigu au savoir, le désirant et le craignant tout à la fois - les êtres humaines aiment s'aveugler au moyen de chimères.
C’est un livre assez
déstabilisant entre son allure de conte allemande et son ton de fable
satyrique.
Il était impénétrable que Dieu
puisse supporter un singe de ce genre, alors que la foudre est si bon marché.
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