La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 12 août 2014

Eh bien, ainsi sommes-nous faits ; même le plus humble d’entre nous a la voracité d’un empereur.

Mark Twain, N° 44. Le mystérieux étranger, laissé inachevé à sa mort en 1910, première publication américaine en 1969, traduit de l’américain par Bernard Hœpffner, édité en France chez Tristram.

Un des derniers romans de Twain, un truc bizarre, on se demande ce qu’il a bien voulu faire.

L’histoire prend place en Autriche, à la fin du XVe siècle, dans un château mystérieux, fonctionnant en vase clos. C’est un atelier d’imprimeurs, un des premiers, les ouvriers sont encore rares. Le narrateur, August (Theodor dans la version originale), est un jeune homme de 17 ans. Arrive un mystérieux étranger nommé N° 44, qui divise immédiatement les hommes entre ceux qui le trouvent  sympathique et ceux qui veulent le chasser. À partir de là, les caractères de chacun vont se révéler et les événements les plus fantastiques se produire. Devenu ami avec N° 44, August découvre la faculté de devenir invisible, d’aller dans le temps, de manger des plats américains, de boire du café viennois et surtout ses certitudes sur la vie, la mort, sur Dieu vont en prendre un coup.

Peu de chance de dormir du fait du froid et des rats et des fantômes. Pas que j’eusse vu le moindre fantôme, mais je m’attendais à tout moment à en voir, ce qui, en outre, était tout à fait naturel car cet endroit historique en était infesté, pour ainsi dire, étant donné la vie dure qu’il avait menée pendant sa jeunesse et son âge adulte – une vie pleine d’aventures et envahie par les crimes.

Le motif de l’étranger venu d’un drôle d’endroit apparaît déjà dans l’une des nouvelles de Twain, mais ici la portée et la violence du texte sont plus grandes et l’hypocrisie de chacun est visée. La religion prend cher, alors que les thèses de Darwin pointent le bout du nez. Le ton souvent naïf du narrateur fait ressortir l’ironie de la voix de l’auteur qui transparaît et accentue la dimension critique de certains portraits.
 
Imprimeurs et imprimerie typographique, dessiné par Stradanus (XVIe siècle) Paris, BnF, image RMN.
Le roman est nourri de l’expérience de Twain comme apprenti imprimeur. Mais l’atelier d’imprimerie est évoqué comme l’antre d’un magicien ou la caverne du diable. August semble entretenir lui aussi un rapport ambigu au savoir, le désirant et le craignant tout à la fois - les êtres humaines aiment s'aveugler au moyen de chimères.

C’est un livre assez déstabilisant entre son allure de conte allemande et son ton de fable satyrique.

Il était impénétrable que Dieu puisse supporter un singe de ce genre, alors que la foudre est si bon marché.


Destination PAL, le point sur LA LISTE.

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