Virginia Woolf, La Promenade au phare, traduit de
l’anglais par Lanoire, parution originale 1927.
Une maison au bord de la mer,
avec une famille nombreuse et des invités, dans une Angleterre un peu ancienne,
mais pas trop. Ils rayonnent tous autour de la mère, Mrs Ramsay, si belle, si
attentive à donner aux autres ce qu’ils demandent et ce dont ils ont besoin,
comme si les sensations des uns et des autres la traversaient. Face à eux, une
vieille maison qui craque, la mer et un phare, but d’une promenade qui se fera…
peut-être. C’est un monde de lumière, d’odeurs et de couleurs – il y a une
peintre parmi les invités qui recherche l’équilibre d’une vision.
Elle voyait tout avec une irrésistible netteté lorsqu’elle regardait : c’est lorsqu’elle prit son pinceau que tout changea. Dans cet instant de fuite, inséré entre sa peinture et sa toile, elle subit un assaut de ces démons qui faisaient souvent monter les larmes à ses yeux et rendaient ce passage de la conception à l’exécution aussi terrible que peut l’être pour un enfant celui d’un couloir ténébreux.
Bord de mer. M&M. |
Le fil narratif est des plus
minces : une soirée à parler de la promenade au phare et des années plus
tard le souvenir de ce moment et de Mrs Ramsay. C’est une plongée au cœur des
émotions et de ce qui fait le vide et le plein des relations humaines, ainsi
qu’une exploration des souvenirs.
Mrs Ramsay fait indubitablement
songer à Mrs Dalloway, dont elle pourrait être la sœur. Mais elle est une sorte
d’élément solaire qui se pose à côté des autres et qui est une éponge imbibée
des émotions des autres. Elle ressent ainsi violemment le silence qui se fait en
soi quand les autres s’en vont.
Avec un mouvement qui, chose
étrange, rappela à celle-ci le grand morse du Jardin zoologique lorsqu’il bat
lourdement en retraite après avoir avalé ses poissons et barbotte avec tant
d’énergie que l’eau de son bassin bascule d’un côté à l’autre, il plongea dans
l’air du soir qui, déjà moins nourri, empruntait leur substance aux feuilles et
aux haies, mais, comme en échange, rendait aux roses et aux œillets un éclat
dont ils avaient été privés pendant le jour.
La nuit était maintenant tenue à
l’écart par les vitres et celles-ci, au lieu de donner une vue exacte du monde
extérieur, le gondolaient d’étrange façon, au point que l’ordre, la fixité, la
terre ferme semblaient s’être installés à l’intérieur de la maison ;
au-dehors, au contraire, il n’y avait plus qu’un reflet dans lequel les choses,
devenues fluides, tremblaient et disparaissaient.
Sous la pression du besoin
particulier qui vous fait parler à un moment déterminé on manque toujours le
but essentiel. Les mots dans leur agitation perdent leur direction et s’en vont
frapper le but beaucoup trop bas.
Un livre dont il est difficile de
parler et que je compte relire dans quelques années.
une de mes préférences chez V W avec Mrs Dalloway
RépondreSupprimerJ'adore Mrs Dalloway, je l'ai lu 2 fois ! Là, je l'ai trouvé plus ardu mais tout aussi beau.
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