Robert Louis Stevenson, Dans les mers du Sud, traduit de
l’anglais par Théo Varlet et Isabelle Chapman, 1890, textes édités de façon dépareillés après la mort de l’auteur,
lu chez Payot.
En 1888, Stevenson et sa Fanny
décide de partir pour « les mers du Sud » à savoir la Polynésie
maintenant française (mais à l’époque, rien n’est fixé). Ils fuient le climat
malsain de l’Écosse, malsain pour la santé fragile de l’auteur et malsain pour
la création – le contrôle victorien ne convient pas à celui qui semble épris de
liberté et n’a de cesse que vouloir se rendre dans les endroits les plus
dangereux.
Les îles de cette région du monde
sont loin d’être toutes entièrement aux mains des administrations occidentales,
les basculements de pouvoir y sont encore fréquents et si le Blanc y jouit d’un
statut supérieur, il y est cependant nettement minoritaire et doit composer
avec ceux qui, il n’y a pas si longtemps, mangeaient encore de la chair humaine
(du « cochon-long »). En conséquence de quoi, l’attitude de Stevenson
est complexe. Il s’intéresse réellement aux peuples qu’il a sous les yeux et
évite les anecdotes pittoresques habituelles. Pour chaque île, il étudie le
rivage, la personnalité du chef, l’histoire récente, la population, le livre se
veut sérieux (cela peut dérouter). Les maux dont souffrent les Polynésiens ont souvent pour cause
l’arrivée des Blancs selon lui (ses amis écossais crieront au scandale, en
pleine constitution de l’empire) et il détaille les ambiguïtés de ce monde en
transformation (lui-même est ambivalent et plus ou moins sympathique). Il n’a
pas la prétention de se mêler à eux, mais surprend visiblement ses
interlocuteurs par l’amitié qu’il leur offre. Stevenson n’exprime pas de bonté
béate pour de supposés bons sauvages, mais ressent toujours de l’amitié pour l’être
humain.
Parmi les notes originales,
celles sur la danse et la musique que Fanny et Robert Stevenson étudient avec
beaucoup d’attention.
Stevenson a la tête pleine des
récits de voyage de toute sorte, cette île inconnue pourrait être la terre
nouvelle à laquelle aborde un Énée du bout du monde. Ce qui me rend le livre
touchant est précisément ce que n’ont pas supporté les amis de Stevenson :
le fait que tour à tour il soit conscient d’être en présence d’un monde
radicalement étranger, peut-être sauvage et venu d’une autre époque, au bord
duquel il restera et qu’il ne puisse s’empêcher de l’inscrire dans son
humanisme familier et de le faire participer à l’égal des Romains et des
Écossais à l’histoire humaine. Mais ce recueil de textes n'a pas la même puissance que le récit À travers les grandes plaines.
On les dit très sauvages, et fiers de passer pour tels. Ils nous parurent, en effet, se pavaner à travers la ville comme les Highlanders en plaid par les rues d’Inverness, drapés dans la conscience de leurs vertus barbares.
Je rappelle que c’est au bout du
monde qu’il a écrit un de ses plus beaux romans, Le Creux de la vague.
Jour et nuit, l’alizé dévide sur
la voûte du ciel son rouleau de nuages, gigantesques sculptures, ou bien
traînée de débris, défilé de formes singulières, étirées et difformes, de
bêtes, d’arbres, de têtes, de torses de vieux marbres, formes changeantes,
évanescentes et fugaces.
Cet été, France culture a consacré une série d'émissions aux îles Marquises.
je prends beaucoup de plaisir à la lecture de ce billet et je m'énerve un peu car je crois n'avoir jamais lu "le creux de la vague"
RépondreSupprimerMerci. Le livre est intéressant, mais pas aussi prenant que d'autres (Silverado notamment). Quant au Creux de la vague, il y a un billet sur le blog si tu veux te faire une idée.
SupprimerMerci pour le commentaire. Après Slocum qui a rencontré la veuve de Stenvenson, London, je remonte à la source !
RépondreSupprimerhttp://diacritiques.blogspot.fr/2016/12/slocum-la-manoeuvre.html