Aníbal Malvar, La Ballade des misérables, traduit de
l’espagnol par Hélène Serrano, parution originale en 2012, édité en France chez
Asphalte.
Un roman qui change
considérablement de ce que je lis d’habitude. L’action se déroule au Poblao,
bidonville gitan aux portes de Madrid, territoire des junkies et de créatures
improbables (on est à quelques années lumières du Madrid lumineux). La
petite-fille du patriarche, Alma, a disparu et il ne s’agit pas d’une
disparition ordinaire…
L’originalité de ce roman ne
tient pas dans le fin mot de son intrigue, que l’on saisit assez vite, mais
dans sa construction et sa langue. Sa construction : à chaque chapitre, le
héros change. Tirao le gitan gigantesque et énigmatique, Prunelle-de-mes-yeux
qui vit sur la décharge, une journaliste, un perroquet, des morts – beaucoup de
morts – des objets se succèdent. C’est au début déstabilisant, comme si l’on
recommençait un nouveau roman à chaque fois, mais donne beaucoup de vivacité et
de liberté au récit. La langue est iconoclaste, entre trouvailles littéraires,
vulgarités, morceaux de poésie et citations de chansons.
Les junkies de la méthadone ont les yeux océaniques de ceux qui n’ont jamais dormi et les os déliquescents de ceux qui dorment en permanence. Quand il y a du soleil, leurs yeux gémissent, et quand il fait gris, leurs os pleurent.
Le projet est de peindre un
univers aux marges de la vie connue, habité par des personnages hors normes.
Mention spéciale pour O’Hara, le flic drogué propriétaire d’un perroquet et
pour ses dialogues improbables avec son collègue Ramos. Je l’aurais retrouvé
avec plaisir dans d’autres aventures. À la fois très noir et sans
aucune concession, ce roman dégage pourtant une certaine énergie, même si elle
est quelquefois poussée par le désespoir. Son ton est entraînant et prenant et
je l’ai lu avec une vraie curiosité. Un roman qui ne ressemble à nul autre.
« Putain, les mecs. Déjà
quand j’étais petit, je me suis fait virer deux fois de l’école. De bars… pfff…
je vous dis pas combien de fois. » Il est resté pensif quelques secondes,
lissant machinalement d’une main ses paupières fripées. « On m’a viré de
tripots clandestins. De bals de débutantes. D’enterrements. De soirées
d’alcooliques anonymes. D’une palanquée de lits. » Il a élevé légèrement
la voix. « Tout ça, je n’irais pas m’en vanter. Mais putain, que vous soyez
prêts à me virer de la police ! Alors ça, c’est tomber bien bas. »
Merci à Asphalte pour cette lecture.
Voilà des parrains qui comptent dans le milieu ! Hélas mes parrains à moi sont moins prestigieux, L.F. Céline, G.D. Maupassant, mais ils sont toujours à mes côtés quand je suis en panne d'écriture...
RépondreSupprimerGuy est un sacré parrain d'écriture je trouve ! En réalité, vu le nombre d'auteurs que j'apprécie, il me faudrait une palanquée de parrains et marraines pour ce blog.
SupprimerTu imagines tous les prénoms dont pourrait se composer le titre de ton blog!
RépondreSupprimerLes deux extraits que tu donnes de ce livre sont étonnants au niveau de la diversité du style.
Chez Arno, Guy, George, Virginia, Robert... il ne faut pas être agoraphobe !
SupprimerCe roman alterne avec virtuosité les morceaux poétiques, brutaux, humoristiques...
Bonne pioche pour un genre qui ne te plait pas habituellement.
RépondreSupprimerCe n'est pas que ça me plaît pas, mais je n'en lis pas forcément (vu la profusion de livres que j'ai à lire !). Ça te plairait peut-être.
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