George Sand, Consuelo, 1843.
Attention roman feuilleton en
trois volumes, à dévorer lors d’un long voyage en train ou en avion, pour ne
pas voir le temps passer.
Volume 1 : nous faisons
connaissance avec Consuelo, petite bohémienne vivant à Venise (au XVIIIe
siècle) et chantant pour l’amour de la musique, fiancée depuis l’enfance avec
le bel Azoletto. Tout le début se déroule donc dans l’atmosphère des théâtres
vénitiens où la simple et noble Consuelo fait ses premiers pas. Suite à un
retournement de situation et à une trahison d’Azoletto, nous partons dans un
château enfoui dans la forêt allemande où le comte Albert, le jeune héritier,
est en proie à un mal mystérieux.
Le roman romantique déploie ses
grands décors : la musique, Venise et ses gondoles, le château et son
décor gothique (souterrain, potence, forêt, loup, nain), si on aime le
romanesque on est servi. Consuelo est une héroïne agréable, tout en noblesse
d’âme bien sûr, mais pleine d’énergie et capable de résolution, en contraste
d’une part avec les mondains et les avides de gloire, d’autre part avec les
résignés incapables d’affronter la vie. On sent que l’auteur l’aime bien. Par
ailleurs la complexité de la psychologie des autres personnages est plutôt bien
rendue.
Tout devient beau sous les
regards de la lune ; le moindre effet d’architecture s’agrandit et prend
du caractère ; le moindre balcon festonné de vigne se donne des airs de
roman espagnol, et vous remplit l’imagination de ces belles aventures dites de cape et d’épée.
Danhauser, Franz Liszt au piano, avec George Sand et des tas d'amis, 1840, Berlin, Ancienne galerie nationale, M&M. |
Le tome 2 me semble encore
meilleur que le 1, car peut-être plus romanesque. Consuelo est toujours dans ce
grand château de Bohème, cherchant à sauver le jeune comte Albert de la folie.
Nous retrouvons l’imagerie romantique : souterrains mystérieux, squelettes
enfouis dans une grotte, folie, fascination pour Satan et amour impossible. À
la suite d’une péripétie dont je vous laisse la surprise, voici Consuelo,
pourtant fiancée à Albert, à nouveau sur les routes, déguisée en jeune homme,
en compagnie du jeune Joseph Haydn.
Consuelo est décidément le roman de la musique, celui où Sand mêle
cantiques, chants populaires italiens et espagnols, et musique allemande. Elle
y fait preuve d’une réelle sensibilité et on regrette de ne pas disposer d’un
disque pour accompagner la lecture. Elle donne envie de découvrir l’œuvre de
Haydn, qui est ici un jeune héros plein d’avenir.
Albert était pour elle le génie
du Nord, profond, puissant, sublime parfois, mais toujours triste, comme le
vent des nuits glacés et la voix souterraine des torrents d’hiver. C’était
l’âme rêveuse et investigatrice qui interroge et symbolise toutes choses, les
nuits d’orage, la course des météores, les harmonies sauvages de la forêt, et
l’inscription effacée des antiques tombeaux.
Le tome 3 est une grosse
frustration pour moi, car il ne finit pas du tout comme je le souhaite. Je dois
donc vite lire la suite, à savoir La
Comtesse de Rodolstadt, pour que la narration daigne prendre la voie que je
veux.
Dans ce 3e tome, les
hommes les plus nobles et les plus ignobles de l’Autriche succombent à la
noblesse et à la beauté de Consuelo, qui repousse tout le monde avec dignité.
Parmi les personnages secondaires réussis, je note le chanoine amoureux des fleurs
et de la musique et la cantatrice rivale dont le portrait se complexifie
insensiblement.
Ce volume vaut surtout pour les
problèmes de conscience de Consuelo qui sont admirablement analysés. D’un côté,
le comte Albert : l’héroïne cherche à savoir ce qu’elle éprouve réellement
pour lui. Au vu de la terrible folie qui est décrite dans le tome 2, on
comprend que Sand n’ait pas pu peindre une passion ou un amour tranquille. De
l’autre côté, l’opéra. Car le roman nous peint toutes les intrigues de coulisse
et les rivalités d’artistes soumis au bon vouloir des princes européens et on
se demande ce que la tranquille Consuelo vient chercher dans ce milieu. C’est
donc l’occasion pour Sand de peindre le plaisir du chant, du spectacle, de
l’incarnation d’un personnage et de ses passions et de décrire ce transport qui
ôte l’artiste à lui-même l’instant d’une représentation. Elle s’interroge
également sur ce besoin de gloire, de public, sur l’émotion collective du
théâtre et de l’opéra.
Consuelo est un hymne à la liberté. La bohémienne sur les chemins est
plus libre que les courtisans. Il s’agit aussi d’une critique des régimes
despotiques et des princes qui font la guerre et le malheur de leurs peuples,
sont hypocrites et prétendent régler les mœurs et pensées de leurs sujets. J’avoue
que l’apparition de nombreux personnages historiques qui devaient être bien
connus à l’époque de Sand a pour moi amené de la confusion.
Que ne vivons-nous au fond de nos
mansardes, heureux de comprendre et de sentir la musique, et qu’allons-nous
faire dans ces salons où l’on nous écoute en chuchotant, où l’on nous applaudit
en pensant à autre chose, et où l’on rougirait de nous regarder une minute
comme des êtres humains, après que nous avons fini de parader comme des
histrions ?
Oh lala j'ai lu ça il y a ....... je me souviens de la très belle fin , donc ce devait être La comtesse de Rudolstadt alors (je me souviens aussi de Venise, d'Albert, etc, d'initiation style La flûte enchantée?) A l'époque il y avait trois gros tomes en tout, chez Garnier Flammarion.
RépondreSupprimerD'après ce que j'ai compris il s'agit effectivement de la suite qui a l'air maçonnique et qui finit bien comme je veux.
SupprimerComme Keisha je l'ai en lu en GF Flammarion donc en trois volumes !
RépondreSupprimerBel article qui m'a fait remonter de cette lecture que j'avais aussi beaucoup aimé pour tout ce que tu décris et qui montre la puissance romanesque de Sand !
C'est tout à fait ça !
SupprimerJamais lu, donc beaucoup de curiosité en lisant ton billet et bien sûr à lire, pour l'amour de George Sand.
RépondreSupprimerMais oui, quel bon prétexte !
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