La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 17 avril 2015

Car l’on ne vit pas pour soi seul, se dit Clarissa.

Virginia Woolf, La Soirée de Mrs Dalloway, traduit de l’anglais par Nancy Huston, 1925, publication posthume.

Vous vous souvenez de la réception de Clarissa Dalloway ? Un de mes livres préférés où Woolf nous emmène dans le sillage de cette mondaine, à la recherche d’un moi fragmentaire, de souvenirs disparus et de la vérité des êtres de société, ceux qui font bonne figure parce qu’ils sont rassemblés le temps d’une soirée.

La vie se laissait départager (elle en était sûre) entre réalité et fiction, pierres et vagues, s’était-elle dit pendant le trajet, et elle s’était mise à percevoir les choses si intensément qu’elle verrait à jamais l’image du dos du chauffer de l’autre côté de la vitre, avec son propre fantôme blanc reflété dans son manteau sombre.
W. Dyce, Pegwell Bay Kent, souvenir du 5 octobre 1858, 1858-60, Londres Tate Britain
Les nouvelles de ce recueil sont soit antérieures, soit postérieures à l’écriture de Mrs Dalloway. Elles s’intéressent à l’héroïne ou à d’autres personnages de la soirée, parce qu’une réception est un kaléidoscope. Chacun y arrive avec ses préoccupations, une robe peut occuper une place monumentale dans un esprit, tandis qu’un invité fera ses politesses en pensant aux pauvres croisés le matin dans la rue – on croise beaucoup de pauvres dans les rues de Londres pendant cette réception. Woolf s’y exerce au portrait de l’identité cassée et vacillante, oscille entre souvenirs et phrases convenues. Par rapport au roman, ce sont comme quelques notes de musique s’échappant d’un concert : on y entend des bribes, la musique est déformée (bizarrement, Clarissa m’a paru beaucoup moins intéressante, plus soucieuse du regard extérieur avec ce mot d’ordre intérieur incessant pour redresser le corps), mais la mélodie revient tout à la fin par une ouverture de la fenêtre. Ce n'est pas aussi bien que le roman, parce que certaines pages sont peut-être des essais pour tourner autour de la formule finale, mais le charme est là.

Chaque fois qu’elle souffrait le martyre, des bribes de Shakespeare et des citations de livres lus jadis lui revenaient et elle les répétait encore et encore.



L’avis de Cathulu.

4 commentaires:

keisha a dit…

J'ai un recueil de nouvelles de Woolf, ce texte en fait partie, mais pas encore lu (en revanche j'ai lu le roman!!!) J'aime cet auteur, mais comme je veux la lire en VO, ça traine.

jimmy morneau a dit…

À propos de Mrs Dalloway, je viens justement de lire ça dans sa biographie "De fait Virginia Woolf écrit Mrs Dalloway dans l'espoir secret d'éblouir Katherine Mansfield qui s'éteint avant même d'avoir pu le lire [...]"

Bref, c'est une biographie très intéressante, si ça t'intéresse, en voici la référence :

Virginia Woolf
par Alexandra Lemasson
Folio biographie
261 pages

nathalie a dit…

Ah oui plusieurs recueils de texte de Woolf sont parus récemment. Mais cet auteur doit être très difficile à lire à VO ! Toute mon admiration.

nathalie a dit…

J'ai lu le catalogue de l'exposition qui a eu lieu l'an dernier à la National Portrait Gallery, donc ce ne sera pas pour tout de suite.