Marilynne Robinson, Lila, traduit de l’américain par Simon
Baril, parution originale 2014, édité en France chez Actes Sud.
Attention, j’ai adoré ce roman,
que je veux déjà relire.
Un prologue où une enfant est
enlevée, une nuit, d’une maison où personne ne s’occupe d’elle, par une nommée
Doll qui l’entraîne sur les chemins. Bien des années plus tard elle réfléchit à
sa vie. Lila est alors l’épouse du pasteur de la petite ville de Gilead et le
lecteur comprend que l’on se situe dans les années 30.
Elle n’avait pas encore regardé son visage. Elle observait le vent qui agitait les arbres. C’était une légère brise du soir, et les arbres s’obscurcissaient, se remplissaient d’ombre. L’heure d’arrêter de travailler approcherait ; pas tout de suite, mais dans pas trop longtemps. Autrefois, un vent comme celui-ci leur annonçait que la journée n’était pas sans fin, qu’allait venir l’heure de dîner, de bavarder, puis de dormir.
Le roman raconte donc un parcours
dans un jeu constant d’allers et retours entre les souvenirs de Lila de sa vie
passée qui s’imposent à elle avec la force de la réalité et sa vie présente,
maladroite dans ce bonheur domestique. C’est aussi un portrait de femme et de
femme pauvre, mais libre. Robinson raconte la vie de ces américains journaliers
des campagnes, allant d’un travail à un autre, dormant dans les champs, glanant
leur nourriture, dont l’existence est mise à mal par la grande crise de 29.
Dans ce monde, seule Doll tient à Lila. Et celle-ci bien plus tard s’interroge
sur les non dits de cette vie, sur ce que sont devenus ses compagnons de route,
jusqu’à s’inquiéter de savoir s’ils pourront accéder ou non au Paradis. Car
l’enjeu du roman est de savoir si Lila va réussir cette transformation, dire
oui à l’amour, au bonheur, à la maison en dur, aux vêtements neufs ou si elle
va reprendre la route pour aller dormir parmi les épis de maïs. Dans ses
interrogations, elle est guidée par la lecture de la Bible qu’elle découvre
lentement, lisant, relisant, recopiant les phrases. Ce qu’elle lit l’inquiète,
la questionne, essayant de trouver une traduction concrète à ces paroles
lointaines et mystérieuses.
D. Carrington, Ferme à Watendlath, 1921, Londres, Tate Britain |
Et pourquoi ce livre m’a tant
plu ? D’abord parce qu’il prend le temps de raconter les saisons, les
chemins, de répéter s’il le faut. Parce qu’il traite de choses
essentielles : Lila s’inquiète de savoir si elle a une « vraie »
famille, est heureuse quand elle est seule, mais comprend que tout change à
partir du moment où quelqu’un, quel qu’il soit, tient à elle et où elle
commence à essayer de ne pas faire souffrir cette personne. Dans ce parcours,
elle s’appuie sur la lecture de la Bible, comme un outil pour se questionner.
Le lecteur suit étroitement ses
pensées et son cheminement intérieur. La relation entre Lila et le pasteur est
racontée avec une grande délicatesse et douceur, comme le rapprochement de deux
natures effarouchées.
Dans sa lettre, le Révérend avait
dit : Il n’y a pas de sécurité. Et Lila savait que l’existence peut être
incroyablement féroce. Une tempête peut soudain souffler de nulle part, un vent
qui vous prend votre vie des mains, qui vous arrache l’âme du corps. Les flammes circulaient entre les êtres
vivants ; le feu répandait une clarté, et du feu sortaient des éclairs.
Les êtres vivants jaillissaient dans tous les sens comme la foudre. Elle
avait recopié ce passage quinze fois. Cela lui rappelait à quel point le monde
est sauvage. Ici, dans cette maison si tranquille, elle craignait de l’oublier.
L'avis de Jostein.
"le temps de raconter les saisons, les chemins" : voilà qui est très tentant, je note ce titre.
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira ! C'est un livre doux et lent.
SupprimerDepuis que j'ai lu Chez nous (http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2010/02/chez-nous.html) un coup de coeur, je cherche les romans de l'auteur, et quand j'ai vu Lila à la bibli, j'ai sauté dessus! Bientôt je vais le savourer!
RépondreSupprimerMais quelle chance tu as ! Je compte bien lire Chez nous et Gilead maintenant.
SupprimerTon billet me tente je note cette auteure
RépondreSupprimerC'est un roman magnifique !
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