Michel Tremblay, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, 1973.
Le livre est un long monologue –
d’ailleurs il a été adapté au théâtre – de Laura Cadieux, grosse femme passant
son après-midi dans la salle d’attente d’un médecin avec d’autres copines. Nous
suivons ses pensées et les réparties de tout le monde.
On l’entend quand à rit, mais on l’entend aussi quand à parle, elle, pis sus un temps rare, à part de t’ça ! Mais est ben fine. Pis est tellement drôle. J’y ai donné les darnières nouvelles du salon. Y’avait pas grand-chose d’excitant.
Tremblay a ici reconstitué, ou
mieux créé, un langage oral assez improbable. Il est conseillé de lire le livre
à haute voix plutôt qu’à voix basse pour tout comprendre, car la lecture n’est
pas toujours très aisée. Cette invention d’une langue populaire est un véritable tour de force.
Si c’t’un tour, là, j’vous étripe, madame Cadieux, pis j’vous vends en boudin, j’vas faire une fortune ! Ben, répondez, restez pas de même comme une statue de plâtre, vous avez pas l’air d’une sainte Thérèse pantoute !
Sculptures de Niki de Saint-Phalle |
Le lecteur passe un étrange
moment en sa compagnie.
Le corps… le corps… J’vous dis
que si j’me sus-tais arrêtée à ça, j’l’arais pas marié pantoute, Pit ! Y’est
ben fin des fois, mon mari, pis je r’grette pas de l’avoir marié, mais on peut
pas dire qu’y’est beau à se sacrer à genoux devant ! Pis comme chus pas
une Popeye moé-même, on va ben ensemble.
Cette langue un peu trop lâchée m'aurait rebutée.
RépondreSupprimerIl faut le lire à haute voix, c'est plus facile. La langue n'est pas lâchée, elle est très travaillée pour parvenir à cette imitation de l'oralité.
Supprimer"Tremblay a ici reconstitué, ou mieux créé, un langage oral assez improbable." Il me semble qu'il n'a pas créé un langage oral assez improbable tout simplement parce que moi-même je parle comme ça, comme une grande partie des Québécois....et même c'est encore pire dans les villages éloignés des grands centres (où j'habite). De ce que j'en sais Tremblay a "transposé" en mots la langue de Montréal. Mais ceci dit je ne suis pas un spécialiste de Tremblay tout simplement parce que je ne l'ai jamais lu et je me base sur tes extraits. Bonne journée...
RépondreSupprimerOn (= des québécois) m'avait dit que c'était un peu exagéré. Il est possible qu'il rassemble en une phrase ou condense des tics de langage. Je ne pense pas non plus que tous ces livres effectuent le même travail (pas de joual ici par exemple).
SupprimerTremblay est à lire, c'est vraiment jouissif en général.
Ok. Je devrai en lire plus pour me faire une meilleure idée. Par contre, si c'est des gens de Montréal qui t'ont dit ça, il ne faut pas trop les écouter, ils sont généralement très déconnectés du reste du Québec. J'imagine que c'est pareil avec Paris et le reste de la France. ;))
SupprimerSans doute... je suppose aussi qu'il faut distinguer où Tremblay utilise des mots de joual et les autres. Celui-ci fait partie des autres (hum... vaste catégorie), mais comme il s'agit d'un monologue, il force sans doute "l'oralisme" .
SupprimerJe crois que Tremblay a retranscrit en mots le parlé populaire montréalais d'une certaine époque. Du coup, ça paraît exagéré aujourd'hui, mais ce joual était le reflet d'une culture il y a quelques dizaines d'années. Je m'étais amusée à lire du Tremblay avec l'accent lors d'une précédente édition de Québec en septembre... les gens avaient bien ri!
RépondreSupprimerC'est notamment le cas dans la saga sur le plateau du Mont-Royal, j'ai l'impression que c'est moins le cas ici. Mais c'est toujours aussi vrai et vivant.
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