La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 15 juillet 2015

C’était vraiment dur de tirer autre chose d’un chien soviétique qui avant tant bien que mal suivi sa vocation.

Radu Aldulescu, L’Amant de la veuve, traduit du roumain par Dominique Ilea, paru à Bucarest en 2006, édité en France aux éditions des Syrtes.

Un étrange et touffu roman qui nous plonge dans la Roumanie soviétique.

Au début du livre, nous faisons connaissance avec la famille Cafanu. Nous en apprenons sur le père, la mère, les trois fils, nous nous baladons un peu dans le quartier et les années avant que le roman ne se mette à suivre pour de bon le trajet de Dimitrie, le cadet. C’est sa vie de « chien soviétique » qui va être racontée.

C’était un ex-chien soviétique, que Mite avait retrouvé après quelques années, de même que Bajnorică était retombé sur Mite, après un certain temps. Leur sort nomade les rassemblait quelquefois, mais, le plus souvent, les séparait, les renvoyant aux quatre vents, chacun allant son chemin, seul, d’un bout à l’autre. S’il existait vraiment un bout, cela signifiait qu’ils s’y retrouveraient pour toujours, ensemble pour l’éternité.

Enfant d’un cadre du parti qui refuse d’aider ses fils, jeune boxeur, Dimitrie ne joue pas le jeu du travailleur se tenant dans les clous, essayant de profiter du régime et de mener une vie à peu près normale. Il ne tient pas en place, passe d’un travail à un autre, sans réelle volonté de progresser, jusqu’à essayer de ne pas travailler tout en mangeant le moins possible pour s’oublier le plus possible. Le roman joue de cette confusion, tantôt à la première, tantôt à la troisième personne, souvent du point de vue de Dimitrie, mais quelquefois adoptant celui de certaines de ses connaissances. Les voix et les récits se croisent alors, en pleine confusion des époques. Le roman n’est en effet pas strictement chronologique, dépeignant un monde sans ordre ni raison où les hommes errent sans but. Il faut dire que dans cette Roumanie les travaux menés comme peine par les prisonniers ou ceux réalisés lors du service militaire sont pratiquement les mêmes que ceux des ouvriers libres, avec les mêmes hommes perdus et sans vitalité. Le travail au sein de ces immenses usines et son organisation sont décrits avec précision et réalisme.


C’est un roman difficile à lire, 300 pages bien serrées, mais très prenant. La vie terrible des Roumains y est décrite, avec la faim permanente, le vol organisé, les quotas dans les usines, la recherche d’alcool, les trafics en tout genre, l’exil de certains, les grands chantiers. L’espoir non du bonheur mais du répit existe pourtant si le travail ne vous détruit pas trop le corps et l’esprit.

Toutes les heures de la journée avaient le goût nostalgique, obsédant de la pluie, celui des propres rêves de noyés de Mite, avec le pressentiment d’une érection mêlée d’ennui et de frustrations en tous genres et de son errance à travers le mugissement torride des rues.


Challenge Destination PAL - la liste de lecture.

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