La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 23 juillet 2015

L’absurdité était rentable, et sans bénéfices la grandeur de l’entreprise perdait tout son sel.

João Almino, Hôtel Brasília, traduit du brésilien par Geneviève Leibrich, paru au Brésil en 2011, édité en France chez Métailié.

Ce court roman est centré autour de la création et de l’inauguration de Brasília. Le narrateur, à peine adolescent, vit avec son père et ses deux tantes, dans la ville supposée provisoire qui accueille les milliers de travailleurs destinés à construire la capitale fabriquée le plus rapidement au monde. Le récit est rétrospectif et le narrateur adulte raconte aussi bien le déroulé des différentes cérémonies d’inauguration, la vie de son père entre les femmes et les affaires financières, le règlement de comptes entre son père et lui et surtout la mort, et peut-être le meurtre, d’un mystérieux Valdivino.

Le dimanche suivant, dans le confessionnal de l’église São João Bosco, j’omis de raconter au père Roque, d’une voix très basse, les détails les plus peccamineux : « J’ai vu tante Mathilde… » J’allais dire « nue », mais le curé trouva mon hésitation suffisante pour que je récite plusieurs Je-vous-salue-Marie, grâce auxquels Dieu pardonna mes divers péchés, celui de la vue, celui du toucher, celui du goût et surtout celui de l’imagination.

Car si l’on compte lire un roman nous plongeant dans ce chantier gigantesque, on est déçu, disons-le. Ce sont les personnages du père et de Valdivino qui intéressent le narrateur, autour desquels se croisent des femmes, qui restent toujours un peu mystérieuses pour ce pré-adolescent, et les personnages réels qui ont bâti Brasília : JK (le président de la République), Oscar Niemeyer, Bernardo Sayão, etc.
 
La cathédrale de Brasília, dont il est question dans le livre. Wikipedia.
Certains passages sont vraiment fouillis (surtout les 10 premières pages, c’est bête), mais j’ai apprécié les évocations de la ville en devenir. Le roman insiste sur les contrastes de paysage et de climat des différentes régions du Brésil. Beaucoup d’ouvriers et de fonctionnaire viennent de la côte ou du Nordeste et découvrent la forêt tropicale (l’évocation de cette surprise constitue les passages les plus réussis). Le livre donne envie d’en savoir plus sur cette ville construite dans des conditions si étranges. Il y est question des ingénieurs, des prostituées, des arnaques, de la spéculation immobilière et de toutes les rumeurs d’un chantier colossal.

Cinquante mille petites silhouettes de travailleurs, telles des fourmis, mettaient en scène la danse chaotique des marteaux entre des dalles de ciment et les fers qui zébraient le ciel. Derrière ces horizons où je distinguais tant de beauté, papa contemplait des montagnes d’argent et il avait raison, car la ville s’élevait à un rythme effréné, dû à l’émission d’argent par le gouvernement et aux investissements des instituts de prévoyance qui achetaient des terrains à bâtir pour construire à toute vitesse leurs immeubles d’appartements respectifs.

Challenge Destination PAL - la liste de lecture.

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