Leonardo Sciascia, La Mer couleur de vin, traduit de
l’italien par Jacques de Pressac, parution originale 1971, édité en France chez
Denoël.
D’abord il a un nom très doux,
Sciascia. Et puis il parle de la Sicile.
Et si cela ne vous suffit pas…
C’est un recueil de nouvelles qui prennent place en Sicile, entre la fin du XIXe
siècle et l’après Seconde guerre mondiale. Nous croisons une vieille histoire
de maffia et de haines recuites, un voyage en train, des familles qui veulent
rejoindre l’Amérique, des couples qui règlent leurs comptes… L’auteur
s’intéresse non aux paysages (forcément sublimes), mais aux êtres humains,
jamais monolithiques, toujours balancés entre leurs contradictions.
C’était une nuit qui semblait faite sur mesure : une obscurité compacte dont à chaque geste on sentait presque le poids. Et le bruit de la mer, ce souffle de la bête féroce qu’est le monde, vous remplissait de crainte : un souffle qui venait s’éteindre à leurs pieds.
Je retiens un petit garçon mal
élevé, mais si intelligent et attachant (et qui empêche tout un wagon de
dormir), des femmes qui rusent avec les carcans d’une vieille éducation et qui
veulent travailler ou se débarrasser de leur mari, des malfrats qui semblent
exercer un travail ordinaire.
C’est un monde, un peuple, une
île qui nous sont racontés dans le désordre par une belle évocation, sans
grands mots, sans image féérique, mais avec beaucoup de simplicité et de vérité
et d’affection. Ces nouvelles racontent des histoires qui semblent authentiques
(à défaut de l’être) et dénoncent aussi le poids de la société, de la
tradition, des préjugés, de la religion.
Sénicourt, Marchand d'eau à Agrigente, 1913, médiathèque Charenton-le-Pont, RMN. |
« On dirait du vin, dit
Nenè.
- Du vin ? fit le professeur,
perplexe. Je me demande comment cet enfant voit les couleurs : on croirait
qu’il ne les distingue pas encore. Elle vous semble couleur de vin, à vous,
cette mer ?
- Je ne sais pas, mais il me semble
qu’on peut y voir une veinure un peu rougeâtre, dit la jeune fille.
- La mer couleur de vin : je
l’ai déjà entendu dire, ou je l’ai lu quelque part, dit l’ingénieur.
- Quelque poète l’aura peut-être
écrit, mais moi, une mer couleur de vin, je n’en ai jamais vu », dit le
professeur. Et il expliqua Nenè : « Tu vois, là en dessous de nous,
près des rochers, la mer est verte ; plus loin, elle est bleue, bleu
sombre.
- Pour moi, elle ressemble à du
vin, dit Nenè avec assurance.
- Il est daltonien, dit le
professeur.
- Daltonien ? Tu veux rire,
s’indigna Mme Miccichè, il est têtu. »
encore un qui me tente!
RépondreSupprimerMerci!
Il m'en reste encore un à lire pour ton défi octobre en Italie et ce sera tout.
SupprimerIl est en cours de lecture... euh, depuis un moment, ceci dit, comme quelques autres volumes de nouvelles. Pourtant j'ai beaucoup aimé les premières.
RépondreSupprimerUne tendance à privilégier les romans peut-être..
Supprimerjustement je l'ai dans ma liseuse pour les vacances!
RépondreSupprimerAh oui, tu devrais aimer !
SupprimerJ'aime beaucoup l'extrait plein d'humour que tu as choisi; ce dialogue est plein de saveur et du coup les personnages aussi.
RépondreSupprimerTrès représentatif du style de l'auteur, tout en simplicité et vérité.
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