Paolo Cognetti, Le Garçon sauvage. Carnet de montagne, traduit
de l’italien par Anita Rochedy, parution originale en 2013.
Ouvrez ce livre et prenez l’air.
L’auteur nous raconte comment il
a passé un été dans la montagne. On est tenté d’ajouter immédiatement « à
l’écart de tout », sauf que l’on n’est jamais vraiment à l’écart de tout.
Le garçon va donc nous raconter son arrivée dans une bâtisse située tout là
haut, mais avec eau et électricité, ne vous inquiétez pas, ses repas, ses
marches, ses problèmes de sommeil, la découverte de ses voisins (vaches,
lièvres, chiens, humains) et surtout le fil de ses pensées. Il est constamment
accompagné par la littérature, la poésie et les récits de témoignage (qu’il
donne envie de lire) et ne se situe jamais dans un vide sans humanité. En cela,
sa retraite n’est pas une solitude. Les contacts humains demeurent rares, mais
sont plus fréquents qu’il ne se l’imaginait au début et sont surtout plus
riches ou plus intenses.
Le livre s’en prend au mythe de
la nature sauvage qui (du moins en Europe) n’existe plus depuis belle lurette.
Tous les paysages, même ceux des Alpes, résultent de l’activité humaine vieille
de plusieurs siècles, et espérer un truc authentique est illusoire. Autant dire
que passer plusieurs mois en montagne revient à demeurer un humain inscrit dans
l’histoire humaine.
Massif de la Charteuse, 2013, M&M. |
Et pourtant le narrateur se
confronte avec la montagne, la fatigue, les efforts, les gestes répétitifs, le
manque d’objets. Ce séjour lui permet de concentrer son attention sur le monde
qui l’entoure, sur ses propres pensées, sur son corps, ses angoisses et ses
joies, car les distractions habituelles qui empêchent ce genre de retour sur
soi sont ici absentes. On ne saura pourtant guère de choses sur l’auteur. Il ne
faut pas s’attendre à une grande révélation éclatant entre les rochers ou à des
épanchements sentimentaux. La pudeur règne, mariant parfaitement justesse de
ton et sensibilité personnelle.
Un livre apaisant qui oxygène le
lecteur.
(À propos d'un groupe de bouquetins)
Le vieux était le seul qui
s’intéressait encore à mon cas : il s’était couché face à moi, à trois ou
quatre mètres de distance, et me scrutait en ruminant et en se grattant de
temps à autre le dos avec ses cornes. Je lui comptai une quinzaine
d’anneaux : quinze années passées à se balader en montagne, sans ennemis
et sans jamais avoir à descendre dans la vallée. Quelle belle vie. Qui sait
s’il vivait là son dernier été ou s’il résisterait encore un hiver aux affres
du temps. Nous nous observions l’un l’autre et j’avais comme l’impression qu’il
se posait le même genre de questions à mon sujet.
de quoi prendre un bon bol d'air virtuel!
RépondreSupprimerTout à fait, un livre parfait pour lire dans le train d'ailleurs.
Supprimermerci à toi pour le lien
RépondreSupprimerC'est un livre que j'ai aimé et qui fait du bien outre que j'ai aimé l'aspect poétique
Oui, tout à fait d'accord.
Supprimer