La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 18 avril 2016

J’aurais dû être plus clair au niveau pacte de lecture.

Laurent Binet, HHhH, paru en 2009.

Très contente d’avoir enfin lu cet excellent roman.

Laurent Binet entreprend d’écrire un roman sur un acte héroïque de la Résistance tchèque pendant l’occupation allemande : l’assassinat d’Heydrich, chef de la Gestapo et bourreau de Prague, par deux parachutistes tchécoslovaques. Un tel roman n’est pas facile à écrire. Il faut s’intéresser à Heydrich, à sa carrière, à sa personnalité, à son efficacité dans la planification de la solution finale. Mais il faut également s’intéresser aux Tchèques et aux Slovaques, à ceux qui collaborent et à ceux qui résistent, à ceux qui sont à Londres, à ceux qui se terrent à Prague et à ceux qui passent à l’acte. Sauf que Binet vient après Salammbô et qu’il ne sent pas d’écrire quelque chose comme « Heydrich sortit à cinq heures. » Il lui semble impossible d’écrire un véritable roman historique avec tous les morceaux de bravoure attendus, mais en même temps il aimerait bien. Et quelquefois, ça lui échappe. Il voudrait que tout soit vrai dans ce livre, mais pourtant l’imagination prend quelquefois les rênes et voilà que tel dignitaire nazi se passe la main dans les cheveux sans que l’on sache si c’est vrai. Et Binet traque toutes les réalisations, écrites ou filmées, traitant du sujet pour en mesurer le degré de fiction, la réussite narrative, le sérieux, le ci, le ça (il est un peu envahi par son sujet).

Je me souviens d’une interminable digression d’au moins quatre-vingts pages, dans Notre-Dame de Paris, sur le fonctionnement des institutions judiciaires au Moyen Âge. J’avais trouvé ça très fort. Mais j’avais sauté le passage.
Cimetière juif de Prague. Wiki-image.
Ce roman est formidable. Il dit tout de la réalité de l’acte héroïque, tout en interrogeant notre capacité à écrire des fictions réalistes à l’ancienne – même si, à mon sens, la question ne se pose pas vraiment quand on est lecteur. Binet joue à la fois sur la fatalité – on sait précisément qui est mort et à quel endroit et à quelle heure – et sur le suspense – mais quand même, on aimerait toujours que les héros s’en sortent, façon La Guerre de Troie n’aura pas lieu. C’est une pleine réussite.
C’est aussi une œuvre très contemporaine dans cette façon d’admirer les auteurs qui osent le roman d’histoire à l’ancienne et dans ces atermoiements qui hésitent à se lancer.

Ce livre donne aussi très envie d’aller à Prague.

Je me demande si Binet a lu Alexandre ou qu’est-ce que la vérité d’Arno Schmidt qui est un magnifique roman d’histoire qui montre à quel point il est impossible d’écrire un authentique roman d’histoire.

Cette scène est parfaitement crédible et totalement fictive, comme la précédente. Quelle impudence de marionnettiser un homme mort depuis longtemps, incapable de se défendre ! De lui faire boire du thé alors que si ça se trouve, il n’aimait que le café. De lui faire enfiler deux manteaux alors qu’il n’en avait peut-être qu’un seul à se mettre. De lui faire prendre le bus alors qu’il a pu prendre le train. De décider qu’il est parti un soir, et non un matin. J’ai honte.

L’avis de Miss Alfie, de Galéa et de MissBouquinaix.

6 commentaires:

  1. Je suis bien contente que tu aies apprécié de livre. J'en garde un puissant souvenir, notamment pour toute la réflexion autour de l'écriture et de la fiction qu'il pose.

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    1. Et je lis bientôt son dernier, on m'a prêté les deux.

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  2. Je l'ai dans ma PAL et visiblement, j'ai bien fait de l'acheter.

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  3. Une lecture et une page d'historie qui m'avaient marquées.

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    1. Oui, c'est un livre qui, je pense, reste en mémoire.

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