Laurent Binet, HHhH, paru en 2009.
Très contente d’avoir enfin lu
cet excellent roman.
Laurent Binet entreprend d’écrire
un roman sur un acte héroïque de la Résistance tchèque pendant l’occupation
allemande : l’assassinat d’Heydrich, chef de la Gestapo et bourreau de
Prague, par deux parachutistes tchécoslovaques. Un tel roman n’est pas facile à
écrire. Il faut s’intéresser à Heydrich, à sa carrière, à sa personnalité, à
son efficacité dans la planification de la solution finale. Mais il faut
également s’intéresser aux Tchèques et aux Slovaques, à ceux qui collaborent et
à ceux qui résistent, à ceux qui sont à Londres, à ceux qui se terrent à Prague
et à ceux qui passent à l’acte. Sauf que Binet vient après Salammbô et qu’il ne sent pas d’écrire quelque chose comme
« Heydrich sortit à cinq heures. » Il lui semble impossible d’écrire
un véritable roman historique avec tous les morceaux de bravoure attendus, mais
en même temps il aimerait bien. Et quelquefois, ça lui échappe. Il voudrait que
tout soit vrai dans ce livre, mais pourtant l’imagination prend quelquefois les
rênes et voilà que tel dignitaire nazi se passe la main dans les cheveux sans
que l’on sache si c’est vrai. Et Binet traque toutes les réalisations, écrites
ou filmées, traitant du sujet pour en mesurer le degré de fiction, la réussite
narrative, le sérieux, le ci, le ça (il est un peu envahi par son sujet).
Je me souviens d’une interminable digression d’au moins quatre-vingts pages, dans Notre-Dame de Paris, sur le fonctionnement des institutions judiciaires au Moyen Âge. J’avais trouvé ça très fort. Mais j’avais sauté le passage.
Cimetière juif de Prague. Wiki-image. |
Ce roman est formidable. Il dit
tout de la réalité de l’acte héroïque, tout en interrogeant notre capacité à
écrire des fictions réalistes à l’ancienne – même si, à mon sens, la question
ne se pose pas vraiment quand on est lecteur. Binet joue à la fois sur la fatalité
– on sait précisément qui est mort et à quel endroit et à quelle heure – et sur
le suspense – mais quand même, on aimerait toujours que les héros s’en sortent,
façon La Guerre de Troie n’aura pas lieu.
C’est une pleine réussite.
C’est aussi une œuvre très
contemporaine dans cette façon d’admirer les auteurs qui osent le roman
d’histoire à l’ancienne et dans ces atermoiements qui hésitent à se lancer.
Ce livre donne aussi très envie
d’aller à Prague.
Je me demande si Binet a lu Alexandre ou qu’est-ce que la vérité
d’Arno Schmidt qui est un magnifique roman d’histoire qui montre à quel point
il est impossible d’écrire un authentique roman d’histoire.
Cette scène est parfaitement
crédible et totalement fictive, comme la précédente. Quelle impudence de marionnettiser
un homme mort depuis longtemps, incapable de se défendre ! De lui faire
boire du thé alors que si ça se trouve, il n’aimait que le café. De lui faire
enfiler deux manteaux alors qu’il n’en avait peut-être qu’un seul à se mettre.
De lui faire prendre le bus alors qu’il a pu prendre le train. De décider qu’il
est parti un soir, et non un matin. J’ai honte.
Je suis bien contente que tu aies apprécié de livre. J'en garde un puissant souvenir, notamment pour toute la réflexion autour de l'écriture et de la fiction qu'il pose.
RépondreSupprimerEt je lis bientôt son dernier, on m'a prêté les deux.
SupprimerJe l'ai dans ma PAL et visiblement, j'ai bien fait de l'acheter.
RépondreSupprimerTout à fait !
SupprimerUne lecture et une page d'historie qui m'avaient marquées.
RépondreSupprimerOui, c'est un livre qui, je pense, reste en mémoire.
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