Carlo Levi, Le Christ s’est arrêté à Eboli, traduit de l’italien par Jeanne
Modigliani, parution originale 1945.
Une belle plongée parmi les
paysans des Pouilles.
L’auteur, qui est aussi le
narrateur, fait partie des « confinés », exilés de l’intérieur par le
régime fasciste. Le voilà contraint de demeurer sous surveillance à Gagliano.
Ce bout de village se trouve dans une misère noire, les paysans pauvres sont la
proie de la malaria et de diverses maladies. Pas d’argent, de lourds impôts,
peu à manger. Une petite bourgeoisie locale qui s’assure de son pouvoir sur ces
êtres qui n’attendent rien de Rome.
Levi passe un an dans cet endroit
désolé, à peindre et à pratiquer la médecine. La nature n’a rien de superbe ou
de bucolique. De la roche grise et de la glaise. Les êtres humains n’ont rien
de plus glorieux avec leurs faces noires. Il observe. Il observe les mœurs des
paysans, leur rapport à la médecine, à la sorcellerie. Gagliano est à l’écart
de tout, mais pas du monde, puisque ceux qui ont réussi à atteindre les États
Unis envoient argent, outils ou photographies de Roosevelt, alors même que les
objets sont rares dans ce milieu déserté.
Il rencontre un charmeur de
loups, des femmes qui portent tout sur leur tête, l’eau, le bois, parce
qu’elles ont un enfant cramponné au côté, des êtres à la double nature,
notamment une femme avec une mère humaine et une mère vache.
Ce séjour l’amène nécessairement
à réfléchir sur l’État et sur ses rapports avec les paysans, à lui le militant
politisé en –isme. Il est obligé de revoir certaines de ses positions, même s’il
est peu question de l’actualité dans le livre qui contient simplement des
allusions à la guerre en Afrique. Le pouvoir est décidément bien loin.
Mantegna, Le Christ au jardin des Oliviers, tempera bois vers 1458-60, Londres National Gallery |
Les paysans remontaient par les
routes avec leurs bêtes et refluaient vers leurs maisons, comme chaque soir,
avec la monotonie d’une éternelle marée, dans leur monde obscur, mystérieux,
sans espoir. Les autres, les seigneurs, je les connaissais déjà trop et je
sentais avec répulsion le contact gluant de l’absurde toile d’araignée de leur
vie quotidienne, nœud poussiéreux et sans mystère, d’intérêts, de passions
misérables, d’ennui, d’impuissance avide, de misère. Maintenant, comme demain
et toujours, en passant par l’unique rue du village, je les reverrai sur la
place, et écouterai sans fin leurs plaintes haineuses. Qu’étais-je venu faire
ici ?
Le ciel était rose, vert,
violet : les couleurs magiques des terres à malaria, et paraissait
extrêmement lointain.
L’avis d’Eimelle. Bon pour le défi italien
d’Eimelle.
et quand on voit ce site devenu maintenant très touristique... la roue tourne!
RépondreSupprimerJ'ai vu les photos sur ton blog, oui, le changement est impressionnant !
SupprimerJe ne l'ai pas lu mais Francesco Rosi, avec Gianmaria Volonte, en a Fait une belle adaptation.
RépondreSupprimerC'est donc de ce film que vient la photo de la couverture du livre ; je le verrai avec plaisir.
SupprimerCe livre avait été une découverte .
RépondreSupprimerPareil pour moi !
SupprimerComme Eeguab, je ne l'ai pas lu mais j'ai vu le film très beau.
RépondreSupprimerIl y a tellement de choses à voir et à lire...
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