La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 31 août 2016

Il me semblait que je me trouvais ici en dehors des désordres du monde.

João Bermudes, Ma géniale imposture, traduit du portugais par Sandra Rodrigues de Oliveira, 1565, édité en France chez Anacharsis.

Une non fiction qui pourrait en être une.
C’est un témoignage historique original. Au début du XVIe siècle, le Portugal essaie de prendre pied en Inde et donc autour de la Mer Rouge et de la côte est de l’Afrique. Si le nom de Vasco de Gama nous dit quelque chose, on sait moins que le royaume s’est allié à l’Éthiopie (chrétienne) pour lutter contre l’ennemi Maure. L’Éthiopie, peut-être royaume du prêtre Jean, lieu des mystères… C’est ici que Bermudes entre en scène. L’homme fait tout d’abord partie d’une ambassade portugaise en Éthiopie, où il réside pendant plusieurs années, avant de devenir l’envoyé officiel du roi éthiopien à Rome d’abord puis à Lisbonne. Il repart en Éthiopie avec une troupe armée destinée à faire la guerre à l’ennemi commun et une fois loin des centres occidentaux prétend qu’il est le patriarche officiel de l’Éthiopie (comme une sorte de représentant du pape). Mais ça… rien ne le prouve (et même… c’est peu probable). Bermudes écrit ce livre à la fin de sa vie, sous le titre Brève relation de l’ambassade que le Patriarche dom João Bermudes fit à l’Empereur d’Éthiopie, vulgairement appelé Prêtre Jean, pour raconter les événements de son point de vue, argumenter et convaincre… Ça a marché, le roi du Portugal lui a accordé une pension.
Photographie d'Hans Silvester qui a suivi les Bench d'Éthiopie. Photopiquée sur le site des rencontres d'Arles.

Et à la lecture ?
Première constatation : ces 150 pages se lisent assez vite. Le ton est vif, la langue est précise et on suit avec plaisir l’épopée portugaise en Éthiopie. Mais pas de poésie sur les pays lointains, le texte vise à une certaine efficacité.
C’est ensuite très intéressant parce que l’on découvre un monde. Le Portugal essaie de se faire une place aux côtés de l’Espagne et Bermudes souligne tout l’intérêt qu’il y aurait à s’allier durablement avec un royaume aussi riche que celui de l’Éthiopie. La situation politique est toutefois compliquée, comme la situation religieuse : si l’Éthiopie est chrétienne, elle suit l’Église d’Orient et non celle de Rome (le désaccord porte sur la nature du Christ et sur certains rites), elle ne saurait donc se soumettre au pape. Et les Maures sont les dirigeants mamelouks d’Égypte, soutenus par les Turcs de Soliman le Magnifique – il y a aussi le roi d’Aden au Yémen qui intervient. Je n’imaginais pas qu’il y avait autant de monde en Éthiopie ! Les liaisons diplomatiques se croisent, ainsi que les intérêts des uns et des autres. Bermudes est un aventurier, rêvant de se tailler un royaume, d’être un chef militaire et religieux et donc politique, aux confins du monde, jouant sa partie entre les rois et les militaires. C’est assez impressionnant.

Les Abyssins ne se contentaient pas de dire que les Portugais étaient vaillants, courageux et autres choses de cette nature, mais affirmaient qu’aucun courage humain ne pouvait être comparé à celui des Portugais, parce qu’ils semblaient être des monstres de la nature, ou que Dieu avait miraculeusement créé ces hommes pour le secourir et restaurer cet empire.


Destination PAL  – La liste des lectures de l’été.

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