Louis-Antoine de
Bougainville, Voyage autour du monde,
1771.
Un récit de voyage tout à
fait culte.
De ce récit, je ne connaissais
que le Supplément donné par Diderot,
mais l'original est vraiment passionnant, d'autant que Bougainville se moque
des philosophes qui échafaudent des théories sans quitter leur fauteuil et qui
se contentent des témoignages des hommes du terrain qu'ils méprisent par
ailleurs.
Bref. Le voyage va de 1766
à 1769. À bord de La Boudeuse, Bougainville
est au départ chargé d'une mission diplomatique – remettre les Malouines à
l'Espagne – qu'il poursuit par un tour du monde au cours duquel il reconnaît
notamment les mers du Sud et Tahiti. Ce n'est pas un roman d'aventures.
Bougainville souhaite être utile d'abord aux navigateurs et son récit comprend
une multitude d'indications techniques (les vents, les latitudes, la dérive)
parfaitement austères pour nous autres, mais prouvant la véracité de ses
affirmations. Ces terres et mers en sont encore au stade de l'exploration pour
les Européens et Bougainville s'attache en particulier à reconnaître tous les
mouillages et abris possibles pour les bateaux. En le lisant, nous avons
pleinement conscience du courage qu'il fallait pour se lancer dans le détroit
de Magellan qui est constitué d’un dédale d’îles et de passage.
Ce récit est surtout
connu pour la description qu'il donne de Tahiti (même s'il n'est pas le premier
à aborder ses rives). Loin des interprétations sur le bon sauvage et autre
innocence naturelle, Bougainville fait sa présentation en deux temps. Tout
d'abord les observations personnelles d'un lieu idyllique à la nature
généreuse, aux hommes et aux femmes d'une grande beauté, aux mœurs libres, au
caractère très doux. Le paradis terrestre ? Ensuite la réflexion à partir des
discussions avec un Tahitien : une société avec une forte hiérarchie sociale et
très guerrière. Une apparente indolence qui va avec un art élaboré de la
navigation et de la fabrique d'étoffes à partir d'écorce. C'est un procédé qui
revient à diverses reprises dans le récit et qui est montre combien
Bougainville est circonspect.
L'air qu'on respire, les chants, la danse presque toujours accompagnée de postures lascives, tout rappelle à chaque instant les douceurs de l'amour, tout crie de s'y livrer.
M. Heade, Orchidée et colibri, 1902, musée Thyssen, Madrid, M&M. |
Homme de son temps,
Bougainville ne se formalise pas de l'esclavage, mais montre de la curiosité et
de la prudence dans ses relations avec les différents peuples. Il pressent
ainsi que les douces heures de Tahiti sont révolues, car il s'agit bien d'une
prise de possession au nom de la France, même si on n'a pas l'impression que
les chefs tahitiens en aient été prévenus. Il apparaît comme un
commandant plein d'humanité si l'on considère que sur 200 membres d'équipage
seuls 7 moururent. Au vu des conditions de navigation de l’époque, 200
personnes entassées avec la plus grande promiscuité, souffrant du scorbut,
mangeant de la nourriture avariée, cela me semble un bon score.
Parmi les points notables :
Le tahitien Aoutourou décide
de s'embarquer avec les Français pour voir le monde.
Un botaniste, assistant
d'un des naturalistes, était en réalité une femme, déguisée en homme, qui
souhaitait sortir de la misère et curieuse de parcourir le monde.
Le récit contient
également des descriptions de Montevideo, Buenos Aires et des établissements
portugais à Java dont l’analyse est assez intéressante.
Chaque jour nos gens se
promenaient dans le pays sans armes, seuls ou par petites bandes. On les
invitait à entrer dans les maisons, on leur y donnait à manger ; mais ce n'est
pas à une collation légère que se borne ici la civilité des maîtres de maisons
; ils leur offraient des jeunes filles ; la case se remplissait à l'instant
d'une foule curieuse d'hommes et de femmes qui faisaient un cercle autour de
l'hôte et de la jeune victime du devoir hospitalier ; la terre se jonchait de
feuillage et de fleurs, et des musiciens chantaient aux accords de la flûte un
hymne de jouissance.
Destination PAL (hors programme) – La liste des lectures de l’été.
fan des livres de voyage je l'ai lu il y a quelques années et j'en garde un très bon souvenir
RépondreSupprimerBougainville raconte très bien, alors que le genre peut être très barbant dans certains passages (l'aventure peut être très pointilleuse quand on essaie de tracer une carte).
SupprimerEn fait,j'aime bien ce genre de récit très précis rédigé par des scientifiques qui ont à coeur de faire une relation rigoureuse de leur voyage. Je lirai volontiers celui-là.
RépondreSupprimerAh si tu aimes le genre, en effet, c'est un classique à ne pas manquer.
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