La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 15 août 2016

Les choses semblaient rêver pour eux, et tout leur souriait.

Honoré de Balzac, plusieurs nouvelles.

Honorine, 1843.
J'avais déjà lu ce court texte, mais je l'ai parcouru à nouveau avec plaisir. L'héroïne, Honorine, la presque homonyme de l'auteur, essaie de rester libre malgré le mariage. Et ici le mari est un être noble et bon, ne souhaitant pas user de l'autorité que lui confère la loi. C'est vraiment un très bon récit. Deux choses m'ont frappée à la relecture. La première est le plaisir pris par Balzac à décrire le havre de paix que s'est construit Honorine, tout en fleurs et en délicatesse, sous le signe de l'élégant XVIIIe siècle. La seconde est l'importance du récit qui encadre l'histoire d'Honorine. En effet, cette vie est racontée par un consul s’adresse à deux personnages récurrents de la Comédie humaine : un peintre et la grande Camille Maupin. La chaleur et la beauté de Gênes s'invitent et les interprétations divergent au sujet d’Honorine. Et peut-être que le consul qui raconte n'a pas compris tous les détails que perçoit Camille Maupin.

Autre étude de femme (1831 et 1842) suivi de La Grande Bretèche, 1831.
Le début campe un dîner chic avec plusieurs héros de la Condition humaine et nous chante les charmes de la conversation et de la sociabilité de l'Ancien régime. Les convives racontent des histoires d'amour et de femmes. La première est celle d'une trahison, la deuxième celle d'une vengeance au cœur de la retraite de Russie (elle est assez réussie, car Balzac campe le contexte de cette terrible déroute). Ces histoires sont l’occasion de réflexions pas très intelligentes sur les femmes bien sûr, surtout contre la femme bourgeoise, dans une louange inaccessible de la femme aristocratique.

Jamais le phénomène oral qui, bien étudié, bien manié, fait la puissance de l'acteur et du conteur, ne m'avait si complètement ensorcelé. Je ne fus pas seul soumis à ces prestiges, et nous passâmes tous une soirée délicieuse. La conversation, devenue conteuse, entraîna dans son cours précipité de curieuses confidences, plusieurs portraits, mille folies, qui rendent cette ravissante improvisation tout à fait intraduisible.

La troisième est l'histoire d'une maison abandonnée de Vendôme, la Grande Bretèche. Cette dernière est parfaitement effrayante – on est en pleine passion romantique. Balzac réussit à camper l'horreur dans la campagne la plus douce (c’est le récit le plus réussi).

Il releva le col de sa chemise avec une sorte de fatuité, tira sa tabatière, l'ouvrit, m'offrit du tabac ; et, sur mon refus, il en saisit une forte pincée. Il était heureux ! Un homme qui n'a pas de dada ignore tout le parti que l'on peut tirer de la vie. Un dada est le milieu précis entre la passion et la monomanie.
F. Madrazo y Kuntz, Amalia de Llano y Dotres, femme de lettres,
1853, Musée du Prado, Image Wiki.
La Femme abandonnée, 1832.
Cette nouvelle raconte la suite de la vie de Madame de Beauséant après Le Père Goriot quand elle est abandonnée par son amant et part s'enfouir dans la campagne la plus profonde. Point de campagne bucolique ici, mais plutôt une routine sans intérêt au milieu des croûtes les plus ringardes. Heureusement l'amour est encore possible... C'est le récit d'une belle passion invisible aux  yeux du monde.

La somme d'intelligence amassée dans toutes ces têtes se compose d'une certaine quantité d'idées anciennes auxquelles se mêlent quelques pensées nouvelles qui se brassent en commun tous les soirs. Semblables à l'eau d'une petite anse, les phrases qui représentent ces idées ont leur flux et reflux quotidien, leur remous perpétuel, exactement pareil : qui en entend aujourd'hui le vide retentissement l'entendra demain, dans un an, toujours.

La Grenardière, 1832.
Cette nouvelle prend place dans une habitation idyllique des coteaux de Loire près de Tours. Balzac y raconte les six derniers mois d'une femme mystérieuse installée là avec ses deux enfants. La Grenardière est une maison comme un nid douillet, un lieu idéal guérissant toutes les blessures de l'âme. Au delà de ces quelques pages le lecteur ne saura presque rien de ces personnages qui conserveront donc leurs secrets. C’est un très beau texte, conservant tout son mystère, pas question ici de révéler des intrigues. Balzac nous campe un beau tableau tout en sobriété et délicatesse.
Je note l'attention avec laquelle Balzac décrit le rituel catholique autour de la mort, un point déjà vu d’ailleurs dans Le Lys dans la vallée.

Cette femme blanche, aux grands yeux noirs, tout abattue, lente dans ses mouvements, ne se plaignant jamais, souriant à ses deux enfants bien vivants, d'une belle santé, formait un tableau sublime auquel ne manquaient ni les pompes mélancoliques de l'automne avec ses feuilles jaunies et ses arbres à demi dépouillés, ni la lueur adoucie du soleil et les nuages blancs du ciel de Touraine.

La Paix du ménage, 1830.
Cette nouvelle raconte un bal comme en connut Paris pendant l'ère napoléonienne quand les officiers rutilants et les coquettes dansaient ensemble. Les femmes se démènent entre elles pour conserver leur époux ou conquérir un amant. C’est un portrait de société en forme de mini pièce de théâtre.


Destination PAL  – La liste des lectures de l’été.

5 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Balzac est au programme quand j'aurai épuisé Stephen King ! Oui, n'ayons pas peur d'être éclectique ! :)

nathalie a dit…

Je peux te faire une sélection du meilleur si tu veux. Et je passerai aussi à King un de ces jours !

Lili Galipette a dit…

J'ai déjà noté pas mal de choses chez toi, mais va pour une sélection ! :)

Miss Alfie a dit…

Balzac, voilà un auteur classique qu'il faudra que je rencontre un de ces quatre ! ;-)

nathalie a dit…

C'est un auteur assez inégal et pas aussi brillant que Maupassant, ou même Stendhal, mais il y a de bien belles choses dans cette immense forêt.