Jules Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques, 1874.
Très contente de ces six
nouvelles diaboliques. Avec un plaisir non dissimulé, Barbey nous présente des
histoires pleines de séduction, de plaisirs et de cruauté. Mais tout est dans
la façon de raconter… La langue est en effet élégante et recherchée – certains
des conteurs s’écoutent un peu parler – et le lecteur y est véritablement pris.
Le Rideau cramoisi prend place dans une voiture de poste. Un ancien
militaire y raconte son premier amour. Barbey ne craint pas d’approcher de
certains tabous, convaincu que la haute société cache les crimes les plus
atroces. C’est ainsi qu’une fille peut désirer l’amant de sa mère sans rien
comprendre à l’amour ou qu’une partie de carte peut cacher un amour honteux,
délicieux parce que caché. Les nouvelles racontent la délectation du mensonge,
du masque, de la honte, qui parachèvent le plaisir.
Les héros de ces aventures sont
en général des dandys (des vrais). Élégance et gants anglais, imperturbabilité
et expérience du mal (des femmes), les voilà pourtant pétrifiés par ce qu’ils
voient ou entendent. Une belle place est réservée aux soldats de Napoléon, aux
héritiers de l’Ancien régime, car l’époque actuelle est décidément bourgeoise
et médiocre, d’ailleurs les costumes masculins y sont hideux, nous dit Barbey.
L’amour et la violence y prennent volontiers l’allure du fanatisme le plus dérangeant et le plus fascinant, dans des actes barbares sous les dehors de la plus haute civilité. Le dénouement, souvent inattendu, ne répond pas à toutes les questions et le lecteur reste dans la même incertitude que le narrateur. C’est ce brouillard qui fait souvent l’intérêt du récit, car il contraste avec la violence des sentiments exprimés qui eux, se détachent avec vivacité.
E. Delâtre, En visite ou La Mort en fourrure, vers 1897 eau forte et aquatinte, BNF, M&M |
Elle avait déjà aimé une fois, et
ce n’était pas son mari ; mais ç’avait été vertueusement, platoniquement,
utopiquement, de cet amour qui exerce le cœur plus qu’il ne le remplit ;
qui en prépare les forces pour un autre amour qui doit toujours bientôt le
suivre, de cet amour d’essai, enfin, qui ressemble à la messe blanche que
disent les jeunes prêtres pour s’exercer à dire, sans se tromper, la vraie
messe, la messe consacrée… Lorsque j’arrivai dans sa vie, elle n’en était
encore qu’à la messe blanche. C’est moi qui fus la véritable messe, et elle la
dit alors avec toutes les cérémonies de la chose et somptueusement, comme un
cardinal.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).