Italo Svevo, La Conscience de Zeno, traduction de l’italien par Paul-Henri
Michel revue par Mario Fusco, 1923.
Un parfait antihéros.
Le narrateur, Zeno, rédige le
récit rétrospectif de sa vie, à l’attention d’un psychanalyste qu’il déteste.
Il organise ce récit en grandes thématiques, sans tenir compte de la
chronologie. Il raconte ses études reprises et avortées, son incapacité à se
mettre à travailler (heureusement il est rentier à Trieste), la façon dont il
n’a pas épousé la femme qu’il souhaitait et son incapacité à s’arrêter de
fumer.
Zeno est un personnage indécis,
qui ne sait pas très bien ce qu’il veut, qui ne parvient pas à s’exprimer, qui
connaît mal ses forces, qui ne se fait pas comprendre et qui ne parvient jamais
à imposer ses vues à ceux qui l’entourent. Un raté ? Avec tout cela, il se
révèle très heureux avec sa femme qu’il aime, généreux avec sa belle-famille et
finalement doué en affaires quand tout s’écroule autour de lui, comme un
étrange élément de stabilité quand l’Europe s’effondre en 1914. C’est un
personnage énervant et sympathie, pétri de contradictions, s’examinant en tous
sens, girouette pas toujours compréhensible. On est tenté de se moquer de lui
ou de le trouver attachant.
S. Crustier, Rain on Princess street, vers 1913, Dundee's art gallery and museum, M&M |
Le roman se déroule dans la
Trieste autrichienne. Il est peu fait allusion au contexte, à l’exception de
considérations linguistiques puisque les personnages parlent le dialecte entre
eux et ont du mal à parler ou écrire l’italien, alors même qu’ils ont des
notions d’allemand. C’est un roman représentatif de cette fin du XIXe
siècle et du début XXe siècle, où de grandes familles rentières
forment l’élite d’une ville – c’est très fin de siècle. Difficile de ne pas
penser à Proust : le narrateur de la Recherche
se révèle lui aussi incapable de travailler, de savoir ce qu’il veut et
s’interroge sans trêve sur les maladies du corps et de l’esprit. C’est ainsi
que la santé semble anormale à Zeno et c’est presque avec soulagement qu’il
retrouve sa douleur quotidienne. Il manifeste également un grand goût pour les
dates importantes (notamment toutes celles où il a arrêté de fumer).
Attention, début du roman
franchement déstabilisant !
Je compris finalement ce qu’était
la santé parfaite quand je devinai que la vie présente était pour Augusta une
vérité tangible où l’on peut se mettre à l’abri et se tenir au chaud. J’essayai
d’être admis dans ce monde clos et d’y résider à mon tour, bien décidé à
m’abstenir des critiques et des railleries qui étaient les signes d’une maladie
dont je ne devais pas infecter celle qui s’était confiée à moi. Mon effort pour
la préserver me permit d’imiter quelque temps les réflexes d’un homme sain.
L’avis de Jimmy. Le mois italien d’Eimelle.
tu m'intrigues
RépondreSupprimerMerci pour le challenge!
Ah c'est en effet un très curieux roman.
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