La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 10 octobre 2016

Et je pensais aux familles du monde tandis que le ciel changeait d'apparence.

Kristín Marja Baldursdóttir, Karitas tome 2 L'Art de la vie, traduit de l'islandais par Henrý Kiljan Albansson, parution originale en 2007.

C'est parti pour la suite de la vie de Karitas. Nous la suivons dans un village en Islande où tout le monde la prend pour une folle parce qu'elle colle des hameçons sur une toile, puis à Paris où elle découvre le Louvre, les arts contemporains, la vie d'artiste, puis à nouveau en Islande... On ne saura pas grand-chose de sa vie à New York, dans un grand atelier. C'est pourtant le récit de sa carrière d'artiste, où elle crée des œuvres fortes, rencontre d'autres artistes et des galeristes, découvre les maîtres anciens du Louvre et de Rome. Un critique d'art présente à intervalle régulier une de ses œuvres. Toutefois le portrait de l'artiste me semble un peu mince. Certes les peintures et les collages sont individuellement magnifiquement décrits, avec des mots très choisis, mais les œuvres sont à mon sens trop rattachées à la biographie événementielle de Karitas. Finalement on ne sait pas grand-chose de ses éventuelles conversations avec d'autres artistes, de ses études, de ses réflexions. Dur, dur pour le roman de s'extraire de cet écueil !

Un homme entrait dans la maison et la première chose à laquelle je pensais était ce que je pouvais lui donner à manger. Pas de quoi s'étonner s'ils avaient toujours prospéré.
A. Arikha, Intérieur d'atelier avec miroir, 1987, Marseille, Musée Cantini
Karitas est d'abord un grand roman sur les femmes et leur situation en Islande. Le premier tome s'ouvrait sur la conquête du droit de vote pour les femmes et la décision de la mère de Karitas de déménager pour faire faire des études à tous ses enfants. Mais être artiste pour une femme, c'est vouloir n'en faire qu'à sa tête, ne pas s'occuper de ses enfants ou petits-enfants, ne faire ni la cuisine ni le ménage, alors que les hommes laissent les enfants quand cela les arrange et les reprennent de la même manière. C'est ainsi que Karitas et son mari forme un couple peu conventionnel, chacun errant d'une ville à l'autre et se croisant aux moments décisifs. Il est également question de la nation islandaise, ce petit pays jeune venu, que chacun devrait dignement représenter.
Un roman aux allures de saga familiale avec une héroïne autour de laquelle gravitent plusieurs générations d'hommes, mais surtout de femmes, révélant chacun et chacune un visage différent de la difficile conciliation entre obligations familiales et aspirations personnelles. Ce second volume m’a semblé un peu long (et triste), mais cette lecture m'a tout de même passionnée, car elle offre un beau portrait de l'Islande, une île trop souvent réduite à ses paysages, lesquels, précisément, n'intéressent absolument pas Karitas. C’est un beau contre-point au dernier roman traduit de Jón Kalman Stefánsson.

S'imaginer que la couleur blanche me viendrait comme des flocons du ciel était de l'enfantillage, je dus me creuser la cervelle des jours durant. Penser blanc. J'éparpillai du papier à dessin blanc sur la table et le sol, me concentrai sur la couleur blanche, fis appel à des souvenirs de mon froid pays blanc, me laissai glisser le long des pentes blanches, marchai sur la neige crissante, patinai sur les lacs gelés, franchis des congères enfoncée jusqu'à la taille, me laissai tomber de tout mon long sur la neige fraîche et formai un ange en remuant mes bras écartés, grimpai sur un glacier. Mais tout cela n'aboutit à rien, la couleur blanche appelait la forme et je ne la trouvais pas car mon esprit s'était bien sûr efforcé de se débarrasser des chaînes de la forme ces dernières semaines.



4 commentaires:

hélène a dit…

J'avais tant aimé le premier tome que ce deuxième m'a déçue ! Beaucoup de longueurs effectivement !

nathalie a dit…

Il perd en effet de son élan et de son énergie, c'est dommage.

Lili a dit…

J'ai beau être souvent déçue, je ne me refais pas : un roman sur l'art, et la peinture en particulier, m'attire toujours instantanément...

nathalie a dit…

Je suis attirée mais je me méfie aussi beaucoup je dois dire.