Andrus Kivirähk, L’Homme qui savait la langue des serpents,
traduit de l’estonien par Jean-Pierre Minaudier, parution originale 2007, édité
en France au Tripode.
Un livre complexe et passionnant.
Le narrateur vit seul dans la
forêt. Il nous raconte sa vie depuis son enfance jusqu’à sa vieillesse. Dans la
forêt, les humains connaissent la langue des serpents qui leur permet de parler
avec les animaux. Pas besoin de chasser pour se nourrir. Tout le monde mange de
la viande et cueille des champignons et des baies. Sauf qu’il y a de moins en
moins d’habitants dans la forêt. Peu à peu tout le monde va s’installer dans le
village pour être un Estonien moderne et suivre les coutumes apportées par les
hommes de fer (= les chevaliers teutoniques) : cultiver la terre, manger
du pain, être chrétien et devenir l’ennemi des serpents. Aux yeux du narrateur,
cela a l’air bien crétin.
C’est aussi bien dramatique, car
il est en réalité le dernier homme à savoir la langue des serpents, voire le
dernier homme tout court. Le récit de sa vie sera celui de son isolement
grandissement. Mais le roman raconte également avec beaucoup de complexité les
sauts de l’histoire et de la mémoire. Bien sûr, nous avons la forêt et ses mangeurs
de viande et le village et ses chrétiens chétifs. Mais aussi, dans la forêt
comme dans le village, des fanatiques expliquant tout selon des dogmes
préétablis justifiant la violence. On apprend également qu’au sein de la forêt
beaucoup de savoirs anciens ont déjà été perdus, car la tradition ne cesse de
s’inventer et de détruire et d’innover. C’est donc une vision très complexe du
temps des hommes qui nous est présentée.
Forêt moussue à côté de Chamonix. M&M |
J’ai beaucoup aimé cet univers
très riche avec une Salamandre géante et ailée, des poux que l’on peut dresser,
l’hibernation avec les serpents, les louves que l’on trait… Les relations que
les hommes entretiennent avec les animaux n’ont également rien
d’univoque : la langue des serpents permet certes de discuter avec
certains d’entre eux (sauf que les animaux eux aussi oublient cette langue au
fil des générations), mais aussi de s’en faire obéir. J’ai beaucoup aimé
également le grand-père, féroce et plein de vie.
Un bémol ? C’est un récit
très triste et qui devient progressivement de plus en plus sinistre. Après
tout, nous assistons à la fin d’un monde et c’est bien dommage. De plus, comme
dans la vraie vie, les dogmatiques m’insupportent totalement. Heureusement, l’humour
est bien présent (passage très drôle sur le sexe des serpents).
Lecture hautement recommandable
pour s’aérer l’esprit, sourire, découvrir de nouvelles bêtes et réfléchir
aussi.
Je nageais dans le sommeil, il me
roulait dessus comme des vagues, je pouvais pratiquement le toucher ; je
le sentais doux comme de la mousse, et en même temps il me glissait entre les
doigts comme du sable. Il était tout autour de moi, il comblait tous les vides
et tous les orifices, il était chaud et frais en même temps, il flottait
partout comme un souffle de vent qui caresse et radoucit l’atmosphère.
Du même auteur, j'ai aussi lu Les Groseilles de novembre.
Lire le monde pour l’Estonie.
Cela fait un moment qu'il me fait de l'oeil celui-ci :-)
RépondreSupprimerJe l'ai acheté en 2014, donc il faut savoir être patient.
SupprimerJ'avais aussi adoré !
RépondreSupprimerIl a beaucoup d'adeptes !
SupprimerIl est vrai que je ne l'ai pas encore lu .
RépondreSupprimerJe le découvrirai bientôt .
Merci
Plombier Paris 15
C'est un plaisir de parler d'un tel livre.
Supprimerchouette, cette LC, 4 billets aux tons différents ;-)
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore eu le temps de lire les autres billets, mais j'y vais de ce pas.
SupprimerJe découvre ce titre avec ton billet. Il est très alléchant, tant pour le propos que pour le style qu'on entrevoit dans l'extrait cité !
RépondreSupprimerJ'ai eu du mal à choisir un extrait, tant mieux s'il te plaît.
Supprimermerci beaucoup,Je le découvrirai bientôt .
RépondreSupprimerBonne future lecture !
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