Victor Hugo, L'Homme qui rit, 1868.
Nous sommes en Angleterre
à la fin du XVIIe siècle. L'auteur nous présente Ursus, un
misanthrope vivant avec son loup, Homo, dans une petite cahute à roulettes,
errant de village en village pour gagner une maigre croûte. Sans transition,
une bande de bohémiens quitte le pays en bateau, abandonnant à son triste sort
un petit enfant de 10 ans. C'est lui, Gwynplaine, L'Homme qui rit, à qui on a
imprimé, à coup de scalpel, un rire éternel et effrayant sur le visage. L'histoire
se poursuit 15 ans plus tard, en 1705, à Londres, entre le champ de foire où
Ursus et les siens gagnent leur vie et la cour de la reine Anne où les
intrigues d'orgueil vont bon train.
La lumière est une cariatide éblouissante qui porte le monde. Tous les jours, pendant une minute sublime, la terre couverte de nuit s'appuie sur le soleil levant.
Immense roman de Hugo, le
préféré de bien des lecteurs, L'Homme qui
rit plonge dans la profonde inégalité et l'injustice. Les enfants sont
vendus, les adultes meurent de faim, mais les lords les ignorent superbement.
Gwynplaine est un autre Ruy Blas, tentant de faire parvenir au plus haut la
voix des plus faibles. C’est ainsi que l'existence des plus pauvres apparaît comme
une sinistre et grimaçante danse macabre.
Plusieurs personnages
sont très émouvants. Je note trois personnages féminins (c’est beaucoup pour
Hugo) : Dea, la tendre aveugle, la reine Anne qui est une ombre, tentant
de tirer les marionnettes et surtout la duchesse Josiane, beau personnage plein
d'orgueil, tout à fait fascinant.
Reynolds, Le petit Samuel en prière, 1777, Montpellier, Musée Fabre, M&M. |
Le lecteur ne peut que
relever le plaisir pris par Hugo à se plonger dans cette Angleterre ancienne,
il en détaille les mots, la langue, les coutumes comme un pays proche et
lointain à la fois, il pèse la composante normande dans un univers saxon, en
homme qui a beaucoup lu Walter Scott. Il se fait ici le porte-parole des sans
voix, d'un petit peuple d'oubliés, tout en restant fidèle à son esthétique
romantique. Le monstrueux se mêle à l'or, la bassesse morale à la noblesse,
l'indigne au sublime. Cette variété de tons contribue beaucoup à la réussite du
roman.
En revanche, je suis
indignée par la fin. Mais à quoi cela sert-il de fermer ainsi tout espoir au
lecteur ?
Gwynplaine était
horrible, artificiellement horrible, horrible de la main des hommes ; on avait
espéré l'isoler à jamais, de la famille d'abord, s'il avait une famille, de
l'humanité ensuite ; enfant, on avait fait de lui une ruine, mais cette ruine,
la nature l'avait reprise comme elle reprend toutes les ruines ; cette
solitude, la nature l'avait consolée comme elle console toutes les solitudes ;
la nature vient au secours de tous les abandons ; là où tout manque, elle se redonne
toute entière ; elle refleurit et reverdit sur tous les écroulements ; elle a
le lierre pour les pierres et l'amour pour les hommes.
Bon
pour le défi hugolien de Claudia Lucia.
Je l'ai dans ma PAL depuis des lustres. Tu ravives mon envie de le lire !
RépondreSupprimerTant mieux, c'est fait exprès.
SupprimerAh ben, Hugo, il n'y a pas beaucoup de romans qu'il referme avec confetti... Quasimodo et Esmeralda meurent. Gilliat se sacrifie pas amour. Etc.
RépondreSupprimerOui mais là, c'est vraiment gratuit ! Il suffisait de deux pages de moins et c'était bon ! Je veux des livres qui se finissent bien.
SupprimerQuel beau roman ! Effectivement,c'est mon préféré. Il est assez logique que Gwinplaine soit anéanti par cette classe sociale. Même de nos jours, c'est elle qui domine. Il est réaliste, papa Hugo!
RépondreSupprimerAh sur le plan social ça n'a pas vieilli.
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