Charlie Galibert, Sistac, 2005, édité chez Anacharsis.
Un bon western !
Sistac, un solitaire, se rend
compte qu’il est poursuivi par un chasseur de primes, Goodfellow, lui-même
recherché. Pendant 180 pages, ils vont se poursuivre, se traquer, se pister,
sans que l’on sache toujours qui est le chasseur ni qui est le chassé, au point
où le lecteur finit par se demander si Sistac n’a pas tout inventé, pour
justifier son errance sans quête. Le tout dans un environnement hostile, le
désert, les marais, la pluie, la neige, l’orage…
L’or d’un soleil tardif s’étendait depuis l’ouest.
L’atmosphère épaissie de feuilles jaunies qui tombaient en voletant était chaude et lourde.
Des branches grinçaient sous le vent sec.
C’était le vent du désert, le Santa Ana, qui traverse les montagnes pour camper ici pendant quatre ou cinq jours, puis s’en va dévaster les brouillards, faire brûler la terre et scintiller l’océan.
Il balaya le ciel d’une telle façon que la nuit sembla un plein jour.
Jean pensa n’avoir jamais vu tant d’étoiles.
J’ai d’abord aimé la description
froide et réaliste de la vie de cow-boy solitaire, à une époque où les
munitions sont rares et où, donc, il est difficile de chasser pour se nourrir.
Sistac chasse à la fronde, mange des racines, se fait des tisanes d’herbes
médicinales pour guérir de la fièvre. Il a des furoncles, un caleçon puant,
mais la seule chose qui importe est de prendre soin de son cheval. Faire un
feu, s’abriter pour la nuit, cheminer à couvert, effacer ses traces, suivre
celles de l’autre… ce n’est pas l’Amérique des héros ! On est plutôt dans
le pouilleux coriace.
Le roman est construit en très
courts chapitres. Entre les aventures de Sistac, s’intercalent ses souvenirs
d’enfance, Sistac étant Toulousain, et des anecdotes sur l’Ouest. Il y a
toujours une bonne histoire à raconter.
Photo du film La Ronde de nuit de Marcel Silver, 1925, Médiathèque de Charenton le Pont, RMN. |
J’ai vraiment aimé ce court
roman, car il mêle à une évocation très précise et quasi documentaire le récit
d’une chevauchée d’une année, sans queue ni tête, ni début ni fin. Sistac est
obsédé par ce Goodfellow qui oriente tous ses faits et gestes. Il est l’Autre,
l’invisible, l’insaisissable, l’insupportable.
En phrases courtes et sobres,
Galibert parvient également assez à nous faire sentir le caractère
véritablement sublime de cette nature, où l’être humain n’est rien, dévoré par
les loups ou les fourmis, perdu sous la puissance des éléments.
En plus le cheval s’appelle
Bernard. Je n’ai plus qu’à lire le versant GoodFellow !
Du vent balayait la plaine,
couchant l’herbe.
De nombreuses vallées, vagues et
obscures, encore à l’abri de la lumière de l’aube, dormaient au cœur des
grandes montagnes.
Sous un rocher, parmi des
térébinthes épineux et des genévriers, il trouva une source où poussaient de la
joubarbe et de la rue.
Il y but, l’eau était délicieuse.
Il respira l’air pur et neuf à
pleins poumons.
Cette nuit, il pourrait dormir,
puis attendre Goodbrother dès l’aube.
Il remonta sur Bernard qu’il
lança dans la plaine.
Le monde roulait sous les sabots
du cheval au galop, dans un grand ronflement de vent.
J'ai vraiment apprécié "L'autre" qui donne un éclairage intéressant sur ce roman.
RépondreSupprimerOui j'ai vu que tu avais préféré L'Autre, que j'achèterai certainement au printemps si l'éditeur refait sa grande braderie numérique.
SupprimerJe viens de le terminer, et j'attaque "L'autre" dans la foulée... J'ai beaucoup aimé ce Jean Sistac, et la manière dont l'auteur déroule son récit, qui m'a par moments fait penser à une chanson de geste (en raison de ces retours à la ligne constants).
RépondreSupprimerAh je suis contente que tu aies aimé ! Je n'ai pas vraiment aimé L'Autre, je ne sais pourquoi, mais Sistac... presque envie de le relire !
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