Virginia Woolf, La Chambre de Jacob, 1920, traduit de
l’anglais par Jean Talva.
L’histoire d’une absence.
Le roman raconte la vie de Jacob,
depuis sa petite enfance avec ses frères et sa mère, jusqu’à l’âge adulte, au
travers de ses études à Cambridge, de sa vie à Londres, et jusqu’à sa mort.
Jacob est surtout vu à travers les regards de ses proches, de sa mère, de ses
camarades et des femmes qui tombent amoureuses de lui, parce qu’il est très
beau. À travers sa existence, Woolf raconte la vie à la campagne, à Londres,
les charmes de la société étudiante… L’évocation du quartier de Saint-Paul et
de son petit peuple est très réussie. De Jacob, on ne saura pas grand-chose.
Nous n’accédons pas à son intériorité, à ses pensées. Qu’aime-t-il ? Que
pense-t-il ? Jacob est silencieux, absent même quand il est présent,
difficile à atteindre et à comprendre. Il est déjà un souvenir, une chambre
vide. On semble parler de lui déjà comme un mort, comme s’il n’existait déjà
plus que dans la mémoire de ses proches.
Le roman tout entier est le signe
de la mort, présente par une multitude de symboles plus ou moins évidents. Plus
généralement, Woolf raconte les impressions, les sensations, les petites choses
fugitives qui s’envolent et qui dépassent la réalité des faits bruts. Ce qu’il
reste de quelqu’un, ce sera… une collection de papillons ? un parfum de
violette ? La précarité et la fragilité de l’existence humaine est
rarement racontée de façon aussi touchante et aussi juste.
E. R. Frampton, Brittany 1914, vers 1920, Tate Britain, M&M. |
Ce roman n’est pas dépourvu
d’humour, comme l’évocation des Britanniques en voyage à l’étranger ou
l’énergie déployée pour la distribution des cartes de visite, si importante
dans la vie mondaine, comparée à la bataille de Waterloo. Woolf est également
magistrale pour rendre le brouhaha des conversations avec ces bribes de phrases
qui se coupent, qui restent suspendues, ces questions sans réponse, ces
morceaux dépareillés.
Un très beau roman au ton
mélancolique et que je relirai certainement.
Lentement amassée à la pointe de
sa plume, une pâle encre bleue noya le point final, où le stylo s’était
immobilisé. Betty regardait sans rien voir : des larmes montèrent à ses
yeux. Toute la baie devint tremblante, le phare se mit à osciller ; et
elle crut voir le grand mât du petit yacht de Mr. Connor ployer comme un cierge
de cire exposé au grand soleil. Elle cligna vivement des yeux. Il arrive
parfois des accidents terribles ! Elle battit encore des paupières. Le mât
se redressa, la houle redevint régulière, le phare rigide ; mais la tache
s’était étalée sur la feuille.
L’avis de Dominique. Des femmes écrivains.
certainement le roman qui m'a introduit dans l'oeuvre de VW
RépondreSupprimerc'est un magnifique roman que j'ai lu déjà deux fois mais ...qui sait
merci à toi pour le lien
Une découverte pour moi (grâce aux livres d'occasion de Gibert), une réussite !
SupprimerIl me semble avoir lu quasiment tous ses autres romans, alors bien sûr celui ci y passera, mais je le veux en vO (oui, je suis spéciale quand il s'agit de vW)
RépondreSupprimerJ'ai lu récemment des nouvelles en VO. En dépit de mon piètre niveau (qui va bien avec la longueur des nouvelles) j'y ai pris grand plaisir. Une très belle langue, qui me donnerait envie de me mettre à l'anglais.
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