La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 7 mars 2017

Les rayons pesaient près de trente grammes, c’était, au zénith, un soleil gras.

Yan Lianke, Les Jours, les mois, les années, traduit du chinois par Brigitte Guilbaud, parution originale 2005, édité en France par Picquier.

 Dans un village la sécheresse sévit. Il n’y a plus rien à manger et tous les habitants sont partis. Ne restent qu’un vieil homme, l’aïeul, et un chien aveugle, l’aveugle, et un unique plant de maïs. Les jours, les semaines et les mois se succèdent et l’aïeul utilise toutes ses ressources pour que le chien et lui survivent et pour permettre au plant de maïs de croître et de donner un bel épi. Il faut manger, trouver de l’eau, se battre contre les rats, puis contre les loups. Puis les rats et les loups disparaissent.

Au-dessus de la cabane, les étoiles et la lune récupéraient doucement leur rayonnement, à la manière d’un filet de pêche que l’on retire de l’eau, c’était une lumière pure qui s’égouttait légèrement et que l’on entendait perler, tinter faiblement.
L’aïeul savait que ce n’était pas là le bruit de l’eau, ni celui des arbres, ni même celui des insectes. C’était, dans l’immense nudité de la nuit, le paroxysme du silence qui se donnait à entendre.

Un roman avec beaucoup de poésie et notamment une idée merveilleuse : l’aïeul pèse les rayons du soleil. Au fur et à mesure que la chaleur monte, ils sont de plus en plus lourds. Et que le vieil homme est furieux contre ce soleil implacable, il lui donne des coups de cravache et le zèbre de grands coups noirs. La langue est d’une grande délicatesse et traduit la répétition, jour après jour, de la chaleur, de la brûlure du soleil, de la soif, de la fatigue. Certains passages sont impressionnants comme le récit des rats fuyant la région ou celui d’un face à face long d’une nuit avec les loups. Dans ce paysage entièrement desséché, les odeurs et les bruits ont une grande puissance.
G. Downs Tjangala Johnny, Rêve d'eau, 1992, Marseille, Vieille Charité, RMN.
 C’est un conte, une fable pleine d’humanité.
J’ai pris un grand plaisir à ma relecture.

Le jeune maïs poussait de plus en plus. La nuit venue, ses feuilles bruissaient très légèrement, cela ressemblait à la respiration d’un bébé profondément endormi. Ce soir-là, l’aïeul et son chien s’étaient assis près de la plante, se reposant après une journée de labeur. À écouter sa respiration, ils sentaient leurs articulations et leurs os mollir et se détendre.




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