La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 20 avril 2017

Il y a en lui de l’ours et du bélier.

Sylvie Germain, Magnus, publié en 2005.

La trajectoire d’un homme.

Le héros est un petit garçon un peu silencieux qui possède un ours en peluche nommé Magnus. Si l’histoire est racontée du point de vue de l’enfant, le lecteur comprend rapidement que le père est un médecin nazi, participant à la sélection des camps de concentration. Au début du roman, c’est la fin de la guerre et tout le monde fuit. L’enfant est confié à un oncle pasteur vivant en Angleterre. Le roman raconte la vie du jeune homme, puis de l’adulte, fuyant et retrouvant ses origines, aimant et détestant ses parents, cherchant la vérité et puis l’oubliant soigneusement. Il avance par flashs successifs, des visions s’imposant à lui. Le roman raconte toute son existence, passant vite sur des années, s’arrêtant sur des moments, des souvenirs, des impressions. La narration est régulièrement interrompue par de petites fiches biographiques relatives à différents personnages ou événements ou par des citations. C’est le récit d’une vie, avec ses trous, ses absences, ses erreurs, ses oublis, avec une identité problématique, une place difficile à trouver vis-à-vis de ses proches, avec des morceaux venus des autres, écrits par les autres. Tout ne vient pas de soi ou du personnage principal. Des moments proches de la magie ou du fantastique décrivent la force de l’esprit, de la mémoire, du souvenir, des impressions, qui sont plus forts que les petits faits bruts.

Est-ce ainsi que nous parlent les morts ? s’est-elle alors demandé. Terence a répondu obliquement, disant qu’ainsi parle notre mémoire, en un ressassement continu, mais si bas, si confus, comme celui du sang dans nos veines, qu’on ne l’entend pas. 

Brauner, Conciliation extrême, 1941, Courtesy the museum of everything
Il respire l’espace, y déploie ses sens, rêvant longuement autour de toute chose. La rêverie consiste chez lui en une sorte de lente manducation du visible, des sons, des odeurs. Il aime le lac, cette étendue de bleu lisse qui varie sans cesse, allant de l’azur laiteux au violet presque noir, ou d’un tilleul opalin au vert foncé selon les heures du jour, autant qu’il a aimé la lande. Il ne se lasse pas d’étudier la vie des couleurs, leurs perpétuelles transformations, leurs frémissements, leurs lentes effusions suivies de brusques changements.

Je l’ai lu en apnée, en une après-midi. Ce roman à la langue douce et forte à la fois est très fort et très prenant.


Le magnifique billet de Lili Galipette.



4 commentaires:

  1. "Magnus" est un livre que j'associe à ma rencontre avec l'homme, car je l'ai lu à la même époque. Il y a des phrases et des mots d'une puissance inouïe dans ce livre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne savais pas que la citation "Il y a en lui de l’ours et du bélier." s'appliquait aussi à Christophe ! Mais oui, livre assez dingue en effet.

      Supprimer
  2. Magnifique livre, comme tous ceux de Sylvie Germain !
    Et merci pour la référence à mon billet.
    Ça me donne envie de relire ce roman. Mais déjà que je relis presque tous les ans "Le livre des nuits"... Je ne peux pas lire et relire que du Sylvie Germain...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu sais, il y a des gens (je ne citerai pas de nom) qui relisent la Recherche régulièrement. Alors, Sylvie Germain, ça doit aller.

      Supprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).