James McBride, L’Oiseau du Bon Dieu, traduit de
l’américain par François Happe, parution originale en 2013, édité en France par
Gallmeister.
On a découvert un manuscrit…
C’est un petit garçon noir qui raconte comment, sous le déguisement d’une
petite fille, il a suivi l’épopée du Vieux John Brown, un
abolitionniste-fusil-en-main (on est quelques années avant la guerre de Sécession).
John Brown est un homme convaincu
de la nécessité d’abolir l’esclavage. Il agit en chrétien et prêche et prie
pendant des heures. Il erre dans les plaines du Kansas avec un vieux chariot,
des armes, des chevaux volés, ses fils et deux ou trois suiveurs. C’est un fou,
un fanatique qui n’hésite pas à couper les têtes des esclavagistes. Le problème
est qu’il n’a pas grand sens des réalités et que les Noirs n’ont pas vraiment
envie de se battre.
Je jurerai son bon Dieu de foutu nom à chaque fois que ça me plaira, nom de Dieu ! Je le hurlerai dans le cul d’un cochon mort et je l’enfoncerai dans ta gorge de bouffeur de merde de Yankee, espèce de nom de Dieu de négro à la peau retournée à l’envers !
C’est un roman à multiples
facettes, passionnant, drôle et tragique à la fois – j’ai beaucoup aimé.
Il y a tout d’abord le portrait
d’un pays, vu par un Noir. On nous raconte la vie des esclaves, avec leur
comportement tout entier déterminé par l’esclavage et la nécessité de plaire au
maître et de dissimuler sa personnalité et ses émotions. C’est un aussi un pays
divisé entre une zone libre et le « Sud », avec ses voleurs
d’esclaves, ses passages clandestins vers les grandes villes du Nord et sa
frontière intérieure. L’armée fédérale est chargée de maintenir l’ordre, ce qui
l’entraîne à se battre aussi bien contre le bandit Brown que contre les esclavagistes
et leurs milices. Certaines villes semblent ainsi en proie à une guerre civile
permanente. Plusieurs scènes sont révélatrices également des rapports entre les
Métis et les Noirs.
- Fiston, qu’il me disait comme ça, souviens-toi toujours du livre d’Hézékial, chapitre 12, verset 17 : « Tends ton verre à ton voisin assoiffé, Capitaine Achab, et qu’il boive son content. »
Il a fallu que j’attende d’être adulte pour apprendre qu’y avait pas de livre d’Hézékial dans la Bible. Et qu’y avait pas de Capitaine Achab non plus. En fait, P’pa savait pas lire du tout, et il récitait seulement les versets de la Bible qu’il avait entendu dire par les Blancs.
Il y a ensuite le narrateur.
Henry devenu Henrietta, qui affirme constamment être préoccupé de sauver ses
fesses, de vouloir manger et boire, bien au chaud, et qui ne semble pas avoir
une opinion très favorable de ces abolitionnistes fous furieux. Mais enfin, il
les suit pendant des années et ne cesse de revenir vers eux. Lui aussi le voici
conquis par la grandeur de ces gars aux vêtements troués et touché par leur
sincérité.
Le vrai John Brown. Image Wiki. |
Car il y a Brown, ses prières
interminables, qui invente toutes les citations de la Bible possibles (ce qui
semble être un sport national) et qui parle en majuscule. Pas de non-violence,
pas de discours, pas d’argent non plus. Il s’agit d’errer et de se battre, sans
plan préconçu, en accumulant les erreurs, mais sans peur, car Dieu est avec
nous. Ce personnage donne une vision intéressante de la foi, avec ses aspects
ridicules, mais aussi sa grandeur. Ces aventuriers qui mangent de l’écureuil
grillé font la guerre, avec des références romaines et bibliques, pour une cause
juste, qui les dépasse. Ils savent qu’ils seront tous pendus. Mais peu après,
la guerre de Sécession débutera.
Une langue merveilleuse, cynique,
mais qui transmet beaucoup d’émotion. Tout est décrit sans pudeur et sans
pincettes, avec une justesse redoutable. On rit, on sourit à l’invention
verbale, et on aimerait bien que l’histoire puisse s’écrire autrement.
Le plus beau, c’est que John Brown a existé. Russel Banks y a également consacré un roman, Pourfendeur de nuages.
Bien, maintenant, qu’il fait,
comme je l’ai déjà dit, j’ai communié avec notre Grand Rédempteur, Lui Qui a
versé Son sang. On a discuté de cette entreprise de fond en comble. On s’est
enveloppés l’un l’autre de notre esprit, comme un cocon enveloppe le charançon
du coton. J’ai entendu Ses pensées, et après les avoir entendues, je dois dire
ici que je ne suis, moi, qu’une minuscule cacahuète sur le rebord de la fenêtre
des grandioses et puissantes pensées de notre Sauveur.
L'avis de Claudia Lucia qui parle à juste titre d’un roman picaresque.
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