Karen Blixen, Le Festin de Babette, traduit du danois
par Alain Gnaedig, et autres contes,
traduits du danois par Marthe Metzger. Le
Festin de Babette a été écrit directement en anglais (avec le titre qui
serait plutôt Le Dîner de Babette) en
1950, a été traduit en danois en 1952 et réécrit par l’auteur en danois en 1958
– c’est cette version qui sert de base à la traduction de Gnaedig.
Un recueil de cinq contes.
Le Festin de Babette se déroule dans les années 1880, dans un petit
port perdu de la côte danoise, chez deux sœurs filles de pasteur, dans un
milieu protestant assez rigide. Chacune a eu des espoirs et des désirs, mais
elles vivent dorénavant ensemble, avec leur bonne, Babette, une française, une
catholique, qui décide un jour de donner un grand banquet.
L’imposante femme aux cheveux noirs et le garçon efflanqué aux cheveux roux, tels une sorcière et son suppôt, prirent possession de la maison. Ce qu’ils remuaient dans leurs marmites, ce qui crépitait et mitonnait dans la cuisine, les deux sœurs n’osaient y penser. Elles firent de leur mieux pour créer une atmosphère de calme et de sérenité dans le domaine qu’elles maîtrisaient encore.
C’est une plongée poétique dans un
monde qui nous est étranger, avec l’évocation de cette petite communauté
protestante qui s’imagine les choses les plus étranges sur ce qu’est capable de
faire une cuisinière française. La nouvelle moque d’ailleurs leur rigorisme et
leur étroitesse d’esprit, qui confine à l’égoïsme. Mais ce soir-là sera un soir
de magie, de paix et de réconciliation pour eux tous, après une longue
existence. C’est à peine s’ils se rendront compte que cette limonade jaunâtre
est du champagne, que cette soupe est une soupe de tortue et qu’ils goûtent à
la cuisine du Second empire. Ils participent à un étrange moment de don qui les
dépassent. Babette enfermée dans cet univers a ressenti le besoin de s’échapper
d’elle-même et de son quotidien et crée cette incroyable féerie culinaire, dont
personne ne se rendra compte. Et pourtant chacun est emporté par l’amour
contenu dans ces efforts et ce soin apporté à la réalisation du repas.
Dans le texte, il y a une forte
présence de la Bible, mais aussi du Don Juan de Mozart (un fameux repas dans
cet opéra).
Blixen a la capacité à créer une
atmosphère magique et irréelle dans un lieu confiné, parce que les personnages
ont une forte vie intérieure, des souvenirs, des désirs non réalisés, des
regrets.
J’ai vu le film de Gabriel Axel
dans la foulée. Je le trouve très réussi. Il met fortement en avant les
sentiments des personnages et souligne que lors de ce fameux soir chacune des
sœurs se réconcilie avec son passé. De plus, les images permettent de mesurer
l’impact visuel de toutes ces têtes de cailles dans un monde clos, où le pain
de seigle et la morue sont la norme. De façon générale, le film documente
l’univers visuel et matériel de ce petit port danois. Enfin, il donne envie de
faire à manger à ceux que l’on aime et ça, c’est précieux.
Le garçon remplit à nouveau les
verres. Mais, cette fois-ci, les frères et les sœurs furent certains que ce qui
leur était servi ne pouvait pas être du vin, car cette boisson pétillait. Cela
devait être une sorte de limonade. Cette limonade s’harmonisait avec leurs
esprits enjoués et exaltés, c’était comme si elle les emportait encore plus
loin de la terre, vers une sphère plus pure.
Dans le volume, il y a également :
Un conte oriental, Le Plongeur, et L’Anneau.
Tempêtes : un conte qui prend encore place dans les ports
danois, où la mer et le vent fabriquent des tempêtes qui retournent les
destinées. Il est aussi beaucoup question de La Tempête de Shakespeare et d’une femme qui choisit encore de se
surpasser pour l’art (décidément…).
L’Éternelle histoire : un conte chinois tout à fait réussi. En
l’honneur de la littérature et des romans des îles, avec des personnages
soi-disant secondaires qui s’incarnent et dépassent ceux qui comptaient tirer
les ficelles.
Beaucoup plus agréable que les Contes gothiques (sur lesquels j’ai
pourtant écrit un billet enthousiaste mais dont je conserve le souvenir d’une
lecture laborieuse).
Je devrais bien lire ce festin de Babette, le film est absolument éblouissant, une merveille...
RépondreSupprimerOui et il est très fidèle au texte, mais peut-être plus lumineux, à cause des paysages.
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