La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 5 août 2017

Les Chimmériens ont disparu, comme si la Terre les avait engloutis.

Italo Calvino, Si une nuit d’hiver un voyageur, traduit de l’italien par Martin Rueff, parution originale en 1979.

C’est l’histoire d’un lecteur qui achète le dernier roman d’Italo Calvino, mais qui est obligé de s’interrompre à la suite d’une erreur d’impression. Le libraire lui donne alors le véritable texte, mais… nouvelle interruption dans la lecture. Le lecteur rencontre heureusement une lectrice, puis découvre la littérature d’un pays lointain, enfin seulement le début d’un roman, à moins qu’il ne s’agisse d’un autre roman…

Sortir, mais pour aller où ? La ville là-dehors n’a pas encore de nom et nous ne savons pas si elle restera à l’extérieur du roman ou si elle le contiendra tout entier dans son noir d’encre. Ce que je sais, c’est que ce premier chapitre tarde à se détacher de la gare et du bar : il n’est pas prudent que je m’éloigne de l’endroit où on devrait venir me chercher, ni que je me fasse remarquer par d’autres personnes avec cette valise encombrante.

Calvino s’amuse. Notre courageux lecteur (et nous avec) lira ainsi une dizaine de débuts de romans, tous dans un style très différent, et en vivra lui-même un certain nombre. Mais hélas, il (et nous avec) ne saura jamais la fin de toutes ces aventures ! Quelle déception ! Quelle frustration ! Mais quel plaisir et quelle jubilation. Ce roman rend hommage au roman, au plaisir de lire des romans, de lire des histoires et d’y croire, de vouloir savoir la suite, de vouloir connaître la vie des personnages littéraires, d’être plus intéressé par la vie de papier que par celle de ses voisins. Un lecteur et une lectrice mènent l’enquête dans ce foisonnement littéraire. Ce sont eux les héros. Le libraire et l’éditeur sont fatigués, sans parler de l’auteur, le traducteur est un grand manitou un peu fou et les universitaires ne comprennent rien, comme d’habitude.
Ma bibliothèque. M&M.
Ensuite, on pourra s’amuser à détailler les différents genres de romans dont les débuts nous sont offerts : roman d’espionnage brumeux, roman politique, érotique, etc. Ils sont tous différents, mais ils sont tous de Calvino. Ah ! les romans façons romans russes où le lecteur est perdu parce que tous les personnages ont des surnoms. Et les polars avec un brouillard et des couleurs en noir et blanc. Tous ces petits trucs de la littérature que l’on aime !
Un roman qui s’affronte au mystère de la lecture des romans (des mots sur une page et voici que nous nous passionnons pour des gens qui n’ont aucune existence ?) et à ce plaisir indicible.

Lire, dit-il, c’est toujours cela : il y a une chose qui est là, une chose faite d’écriture, un objet solide, matériel, qu’on ne peut pas changer, et à travers cette chose on affronte une autre chose qui n’est pas présente, une autre chose qui appartient au monde immatériel, invisible, parce qu’elle est seulement pensable, imaginable, ou parce qu’elle a existé et qu’elle n’existe plus, passée, perdue, inatteignable, dans le pays des morts…

Destination PAL – la liste complète des lectures d’été.



6 commentaires:

eimelle a dit…

j'ai très peu lu cet auteur, à redécouvrir!

nathalie a dit…

Lu un ou deux titres il y a des siècles, mais j'ai tout oublié, donc je pars presque de zéro.

keisha a dit…

Oh la la, quel livre! Lu relu, et je me le relirais bien, tiens. Et il me reste plein à lire de Calvino...

nathalie a dit…

Oui il est d'une richesse telle qu'on a très vite envie de le relire.

Sandrine a dit…

Je fais un bond dans le passé en te lisant... j'ai aimé Calvino, en particulier "Si par une nuit d'hiver un voyageur". J'ai récemment découvert un marathon romanesque qui me tente bien : 40 titres dont celui que tu chroniques ici de Calvino, certains titres déjà lus mais quelques uns il y a vraiment longtemps... "37,2 le matin" de Djian tiendrait-il encore la route ?

nathalie a dit…

Cela pose la question que tu abordais récemment sur FB, celle des classiques contemporains. Pas de doute pour Calvino et Gary. Je n'ai jamais lu Djian, je ne sais pas.