Italo Calvino, Si une nuit d’hiver un voyageur, traduit
de l’italien par Martin Rueff, parution originale en 1979.
C’est l’histoire d’un lecteur qui
achète le dernier roman d’Italo Calvino, mais qui est obligé de s’interrompre à
la suite d’une erreur d’impression. Le libraire lui donne alors le véritable
texte, mais… nouvelle interruption dans la lecture. Le lecteur rencontre
heureusement une lectrice, puis découvre la littérature d’un pays lointain,
enfin seulement le début d’un roman, à moins qu’il ne s’agisse d’un autre
roman…
Sortir, mais pour aller où ? La ville là-dehors n’a pas encore de nom et nous ne savons pas si elle restera à l’extérieur du roman ou si elle le contiendra tout entier dans son noir d’encre. Ce que je sais, c’est que ce premier chapitre tarde à se détacher de la gare et du bar : il n’est pas prudent que je m’éloigne de l’endroit où on devrait venir me chercher, ni que je me fasse remarquer par d’autres personnes avec cette valise encombrante.
Calvino s’amuse. Notre courageux
lecteur (et nous avec) lira ainsi une dizaine de débuts de romans, tous dans un
style très différent, et en vivra lui-même un certain nombre. Mais hélas, il
(et nous avec) ne saura jamais la fin de toutes ces aventures ! Quelle
déception ! Quelle frustration ! Mais quel plaisir et quelle
jubilation. Ce roman rend hommage au roman, au plaisir de lire des romans, de
lire des histoires et d’y croire, de vouloir savoir la suite, de vouloir
connaître la vie des personnages littéraires, d’être plus intéressé par la vie
de papier que par celle de ses voisins. Un lecteur et une lectrice mènent
l’enquête dans ce foisonnement littéraire. Ce sont eux les héros. Le libraire
et l’éditeur sont fatigués, sans parler de l’auteur, le traducteur est un grand
manitou un peu fou et les universitaires ne comprennent rien, comme d’habitude.
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Ensuite, on pourra s’amuser à
détailler les différents genres de romans dont les débuts nous sont
offerts : roman d’espionnage brumeux, roman politique, érotique, etc. Ils
sont tous différents, mais ils sont tous de Calvino. Ah ! les romans
façons romans russes où le lecteur est perdu parce que tous les personnages ont
des surnoms. Et les polars avec un brouillard et des couleurs en noir et blanc.
Tous ces petits trucs de la littérature que l’on aime !
Un roman qui s’affronte au
mystère de la lecture des romans (des mots sur une page et voici que nous nous
passionnons pour des gens qui n’ont aucune existence ?) et à ce plaisir
indicible.
Lire, dit-il, c’est toujours
cela : il y a une chose qui est là, une chose faite d’écriture, un objet
solide, matériel, qu’on ne peut pas changer, et à travers cette chose on
affronte une autre chose qui n’est pas présente, une autre chose qui appartient
au monde immatériel, invisible, parce qu’elle est seulement pensable,
imaginable, ou parce qu’elle a existé et qu’elle n’existe plus, passée, perdue,
inatteignable, dans le pays des morts…
j'ai très peu lu cet auteur, à redécouvrir!
RépondreSupprimerLu un ou deux titres il y a des siècles, mais j'ai tout oublié, donc je pars presque de zéro.
SupprimerOh la la, quel livre! Lu relu, et je me le relirais bien, tiens. Et il me reste plein à lire de Calvino...
RépondreSupprimerOui il est d'une richesse telle qu'on a très vite envie de le relire.
SupprimerJe fais un bond dans le passé en te lisant... j'ai aimé Calvino, en particulier "Si par une nuit d'hiver un voyageur". J'ai récemment découvert un marathon romanesque qui me tente bien : 40 titres dont celui que tu chroniques ici de Calvino, certains titres déjà lus mais quelques uns il y a vraiment longtemps... "37,2 le matin" de Djian tiendrait-il encore la route ?
RépondreSupprimerCela pose la question que tu abordais récemment sur FB, celle des classiques contemporains. Pas de doute pour Calvino et Gary. Je n'ai jamais lu Djian, je ne sais pas.
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