Gustav Meyrink, Le Golem, traduit de l’allemand par
Jean-Pierre Lefebvre, parution originale 1915.
Avec ce titre, on s’attend à une
nouvelle variation sur le mythe du Golem (comme celle de Singer par exemple). Mais
non. Ce qui nous est proposé est bien plus original.
Le narrateur commence par nous
raconter un rêve un peu étrange. Puis il s’éveille et commence alors son récit
dans la vieille ville juive de Prague. Ville juive fantomatique, habitée de
bars, de tripots et de bordels. Quelques habitants se détachent : le
malfaisant brocanteur (et sa fille) et le voisin homme de sagesse (et sa
fille), ainsi que les amis non juifs du narrateur, qui racontent les histoires
les plus folles sur ce ghetto. Notre héros se trouve peu à peu pris dans une
histoire de complot et de vengeance, un peu obscure et compliquée, tout en
apprenant qu’il est fou et que son passé a été occulté. En outre, l’apparition
du Golem a été signalée dans la ville et un certain nombre de choses font
penser que… je ne vais pas vous dire.
En voilà un roman étrange !
Il est peu véritablement question du Golem, dont la présence fantomatique hante
pourtant tout le livre. Le narrateur et le lecteur ne peuvent s’empêcher d’y
penser à plusieurs reprises. De façon générale, les mythes juifs sont présents
à titre de décor fantastique et inquiétant, ésotérique et oriental, vaguement
inquiétant. Aucun réalisme à attendre de cette évocation du quartier juif
disparu (rasé en 1915 pour « assainir » la ville), ce qui n’empêche pas
les clichés antisémites d’être bien présents (ah ! le fameux juif
millionnaire qui possède la moitié de la ville, et tout un tas de choses
déplaisantes), tout en étant exploités de façon particulièrement créative.
Klee, Dance you monster to my soft song, 1922, Guggenheim NY, M&M. |
Ce n’est pas un roman confortable
pour le lecteur, toujours embarqué dans la psyché compliquée du narrateur
(psychanalyse qui vient d’apparaître, bonjour !), dans ses rêves, ses
craintes, dans les histoires rapportées par les uns et les autres. De plus, le
vocabulaire se situe dans une veine symboliste, voire précieuse ou kitsch. Tous
les objets semblent habités d’une vie sourde et non contrôlée, ce qui est tout
à fait inquiétant. Le lecteur a peur, sans trop savoir pourquoi. Malaise, boue,
angoisse, tout cela finit par contaminer le lecteur. C’est donc plutôt réussi.
Les trombes d’eau balayaient les
toits et dévalaient le long des façades comme des torrents de larmes sur un
visage.
En avançant la tête et en la
tournant un peu je pouvais voir ma fenêtre au quatrième, là-haut, l’eau
ruisselait sur les vitres, qui avaient l’air complètement ramollies, opaques et
grumeleuses comme de la gélatine d’esturgeon.
J’indique l’Autriche comme pays,
car Meyrink est né et a vécu à Vienne (il a aussi habité Prague), mais c’est un
représentant de feu l’empire d’Autriche-Hongrie.
Destination PAL – la liste complète des lectures d’été.
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