La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 25 octobre 2017

Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux.

Miguel Bonnefoy, Sucre noir, 2017, chez Rivages.

Au premier chapitre, un navire de pirates est échoué en haut des arbres quelque part en Caraïbes. Cela ne se passe pas très bien et le trésor du capitaine Henry Morgan est englouti dans la forêt. Trois siècles plus tard, on raconte de vieilles histoires de trésor, mais surtout on cultive la canne à sucre. Serena Otero l’héritière de la plantation rêve à de belles amours et envoie des messages mystérieux. Un chercheur de trésor finit d’ailleurs par apparaître. Mais le trésor que l’on trouve n’est pas toujours celui que l’on cherche.
Un très beau roman. J’ai aimé cette plongée dans une terre tropicale, pas identifiée précisément, qui flirte avec les mythes des pirates et des romans d’aventures, qui prend l’allure d’une saga familiale avec des héroïnes hors du commun, qui frôle la magie, qui semble hors du temps et qui suit pourtant une certaine frise chronologique. Bonnefoy joue avec les références du lecteur, qu’il s’agisse de L’Île au trésor ou du réalisme magique sud-américain et nous plonge dans une atmosphère délicieusement chaude et exotique. Un parfum de légende se mêle à la vie quotidienne.

Bien que la façade fût laide et les volets décrépits, l’intérieur sentait bon le sucre, mêlé aux odeurs de bois. De l’entrée principale jusqu’au dernier étage, la maison entière baignait dans une lumière de cuir et de vieux chêne. Le matin, des vents fous la recouvraient d’une poussière cendrée qui apportait des cigales et des présages. Le soir, tout était mauve.
O. Redon, Le Sommeil de Caliban, 1895-1900, Orsay.
Bien sûr, on trouve également une réflexion au long cours sur les richesses et les trésors, ceux que l’on attend, ceux que l’on imagine, ceux que l’on cherche, ceux que l’on fabrique, ceux que l’on trouve. Qu’il s’agisse de l’arbre le plus vieux de la forêt, des oiseaux, d’un enfant, d’un amour, de l’or, d’une grande entreprise ou des rêves, ce n’est jamais tout à fait comme on l’avait prévu. Même si ce propos n’est pas tout à fait neuf, il est dit d’une façon si romanesque ! Bien sûr je me reconnais tout à fait dans les gens qui lisent des récits de pirates et des romans d’amour et qui rêvassent à la fenêtre. Même en étant loin des Caraïbes et de la canne à sucre, ce roman parle de tous les lecteurs et de la façon dont les désirs et les rêves s’entrechoquent plus ou moins heureusement avec la réalité.
La langue est sensuelle, enveloppante, avec des couleurs et des parfums, un goût sucré.

À lire avec un verre de rhum.

Elle faisait le croquis des icaquiers et des pépins de corossol. Dès qu’elle trouvait de l’ombre, elle ouvrait son cahier et, assise en tailleur, classait sa récolte dans un ordre qu’elle seule comprenait. Sur chaque dessin, elle collait une étiquette où étaient inscrits des noms savants, qu’elle inventait, la date et le lieu des découvertes, la longueur des tiges, la couleur exacte de la fleur, et renommait ainsi une nature qui la précédait depuis des millions d’années.

Les avis de Meelly, des cannibales lecteurs et de Cultur'elle.

Lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée littéraire de PriceMinister #MRL17 #PriceMinister. Grand merci !

4 commentaires:

  1. Il est sur ma liste d'achats depuis sa parution.
    Mais vu que je vais de moins en moins en librairie... il va aller sur ma liste au papa Noël !

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  2. Son précédent roman ne m'a pas plu, je l'ai trouvé un peu chichiteux au niveau du style en particulier (du poétique qui se voit trop).

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    1. Ça ne m’étonne pas. Ce roman est déjà sur un fil fragile : le propos n’ est pas si original. Ça a marché sur moi mais il ne faudrait pas grand chose pour que l’on trouve ça très commun.

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