La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 28 novembre 2017

Les barmen ne meurent jamais. Simplement ils finissent comme des glaçons dans un whisky.

Jean-Paul Dubois, L’Amérique m’inquiète, recueil d’articles, paru en 2017 aux éditions de l’Olivier.

Ce gros volume rassemble des articles parus de 1990 à 2001 et nous offre un panorama des États-Unis (avec quelques incursions chez les voisins, au Mexique et au Canada). Et c’est passionnant.

Aujourd’hui, un bon patriot est contre l’avortement, refuse de payer ses impôts, ne possède ni permis de conduire ni plaque d’immatriculation sur sa voiture. Si on le lui demande, comme cela a failli d’ailleurs être le cas l’an dernier, il doit être capable de se rendre à Washington pour faire son devoir c’est-à-dire « mettre le Congrès en état d’arrestation ».

Dubois parcourt le pays. Sur le plan géographique, de New York à Los Angeles, jusqu’aux Keys, en passant par divers déserts du centre du pays. Sur le plan social et thématique surtout. Les prisons, les couloirs de la mort, les quartiers réservés aux blancs et aux riches, les très pauvres qui vivent en caravane, les magasins de luxe pour chiens et autres. C’est un inventaire à la Prévert qu’il conviendrait d’écrire pour rendre hommage à la richesse du livre. Voici un portrait des États-Unis dans leur diversité et complexité, avec tout ce qui nous fascine et tout ce qui nous terrifie. Dubois adopte un ton, à la fois assez neutre et à la fois empreint de cette culture européenne qui fait que l’on se sent à des lieues de certains de ses interlocuteurs. Mais il leur donne la parole, à plusieurs reprises, et ils s’expliquent, semble-t-il, le plus naturellement du monde. Il ne les juge pas. Bref, on n’est pas ici dans l’anti-trumpisme facile et complaisant. Les faits et les personnes sont là, sous nos yeux – il suffit de les regarder.

On rit et on a peur. On a même franchement froid dans le dos.
Vous découvrirez donc : des milices qui tabassent les homosexuels, le commerce de revente des assurances-vie, plusieurs procès mémorables, des articles bouleversant sur le 11 septembre 2001, la réincarnation de Napoléon, un pasteur qui chante du Elvis, une compétition de sermons pour enfants, un parc d’attraction où l’Enfer est reconstitué avec des tableaux vivants (le secret de l’odeur de l’Enfer vous étonnera), etc.

À ce point de l’histoire, on aurait aimé voir Allen Konigsberg sortir de l’écran, s’extraire de ces bas morceaux de vie et dire quelque chose comme : « Il ne me reste plus qu’à me tuer. Mais si l’au-delà existe, à quelle distance est-il du centre-ville et jusqu’à quelle heure est-il ouvert ? » Mais non, ce soir-là, Konigsberg ne fit aucune déclaration de ce genre. Simplement, tard dans la nuit, le speaker de CNN présenta un résumé de toute l’affaire. Comme savent le faire les gars de CNN : avec une cravate.
  
Merci Estelle pour ce cadeau !



4 commentaires:

  1. Vendu!
    Il me semble en avoir lu, de ces articles...Oui, c'était déjà paru.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, les articles sont parus dans le Nouvels Obs et certains (ou tous ?) ont déjà été édités en livre il y a quelques années.

      Supprimer
  2. Un panorama complet ! Et c'est vrai que c'est inquiétant surtout quand on sait que nous suivons souvent leur trace avec un peu de retard. Quand j'ai vu ce qu'était la télé-réalité aux Etats-Unis, je me suis dit que, heureusement, en France, nous étions au-dessus de ça !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui mais il faut se méfier de ce petit sentiment de supériorité, pas parce que ce serait immoral, mais parce qu'il nous empêche de comprendre ce pays. Et après on tombe des nues à chaque élection.

      Supprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).