Knut Hamsun, La Faim, traduit du norvégien par Georges Sautreau, parution
originale en 1890.
Je ne savais pas à quoi
m’attendre avec ce roman, mais je ne m’attendais pas à ça (ah les
lecteurs !). Le narrateur est un polygraphe qui vivote dans une ville de
Norvège. Il n’a pas un centime et a faim. Est-ce tout ?
Il erre dans les rues, met un
gilet au clou, cherche un logement. En proie à la faim, il décrit ses symptômes
sans spécialement se plaindre. Il est finalement si faible qu’il ne peut plus
rien avaler et que la moindre nourriture le fait vomir.
Ce narrateur n’est pas du
sympathique. Le lecteur n’a aucune envie de le plaindre ou de partager ses
peines. Sautes d’humeur ou caractère instable ? Il distribue l’argent à
poignée, refuse les mains tendues, se conduit très étrangement, avec des
colères subites ou des cruautés inexpliquées. Il est difficile de faire la part
entre une personnalité excentrique et imprévisible et une humeur rendue folle
par la faim (par exemple cette longue déraison à propos de ses souliers qu’il
considère pendant une heure). Les dialogues peuvent être à la troisième
personne. On ne parvient finalement pas à savoir si de vraies paroles sont
échangées entre des personnes ou si tout reste à l’intérieur de la tête du
narrateur. Est-ce un monde fantasmatique ou le monde de la folie ? Ce qui
est sûr, c’est que nous ne sommes pas dans un drame social.
Cézanne, Nature morte avec des pommes, 1895-98, Moma. |
Ses descriptions des affres de la
faim, avec la perturbation des sens qu’elle entraîne, sont très dures et
réalistes. Pas de rêveries poétiques ici, mais un dur vécu.
Depuis ce jour de mai où avaient
commencé mes tribulations, je pouvais constater une faiblesse qui s’accentuait
peu à peu ; j’étais devenu en quelque sorte trop las pour me conduire et
me diriger où je voulais ; un essaim de petites bêtes malfaisantes avaient
pénétré dans mon être intime et l’avaient évidé.
L’avis de Jérôme.
c'est un livre que j'avais eu du mal à lire jusqu'au bout tant c'est dur, c'est un de ces livres que l'on n'oublie jamais
RépondreSupprimerOui c'est un texte qui met très mal à l'aise, car ce qui est décrit est assez violent, mais il est difficile de s'attacher au narrateur. Assez déstabilisant.
SupprimerCette lecture m'avait marquée, l'auteur axe entièrement son texte sur les symptômes de cette faim qui en devient presque un personnage à part entière, et le résultat est à la fois troublant et très noir, en effet...
RépondreSupprimerOui c'est tout à fait juste ! La faim est un personnage.
SupprimerUn des grands livres de la toute fin du XIXème. Chroniqué chez moi en 2011, il met effectivement mal à l'aise.
RépondreSupprimerÇa me rassure de pas être la seule, j'avais peur d'être totalement à l'ouest sur le coup.
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