Hubert Mingarelli, Un repas en hiver, 2012.
Un court roman, l’histoire de
trois copains de régiment.
Au début, rien ne nous est dit.
Le roman se déroule en hiver, sous une neige épaisse, avec trois soldats
décidés à échapper à une corvée en partant très tôt le matin, à la chasse d’on
ne sait pas quoi. Le lecteur comprendra seulement quand ils auront trouvé leur
gibier : un Juif. On est en Pologne. Les corvées, ce sont les fusillades.
Bauer et moi n’avions pas d’enfant. Dans la compagnie, tout le monde en avait, sauf Bauer et moi. Emmerich nous avait souvent dit que c’était une chance et une malchance. Qu’avant la guerre c’était une chance, toute seule, mais qu’à présent la malchance marchait à côté. Nous le comprenions à moitié.
Le roman raconte cette journée,
cette longue marche dans la neige, la faim des soldats, leur lutte contre le
froid, leurs stratagèmes pour éviter les brimades et les corvées, pour faire
leur boulot et s’en sortir quand même, leur amitié, leur préoccupation pour le
fils de l’entre d’eux. Tous les trois sont bien sympathiques.
La langue est sobre, décrivant
les objets concrets de leur quotidien et il y en a peu, dans un tel dénuement
hivernal (les couches de vêtements notamment sont importantes). Le narrateur
est l’un des soldats et c’est grâce à lui que nous avons accès aux différents
dilemmes de la journée, lui qui raconte, pour nous, tout ce que les soldats ne
se disent pas. Il évoque aussi certains événements qui ont précédé le récit de
cette journée et ceux qui surviendront ensuite, auxquels nous n’assisterons
pas. Le lecteur reçoit très peu d’informations, parce que le narrateur n’est
pas en train de lui expliquer quelque chose. C’est au lecteur de comprendre le
contexte général et de deviner.
Il fait le récit des rêves et des
émotions devant la traque et la mise à mort, les contradictions des soldats qui
accomplissent un travail pour ne pas être punis, il annonce les futurs
traumatismes de ceux qui reviendront avec ces souvenirs, les stratégies
mentales pour se tenir à distance de l’homme que l’on chasse et que l’on tuera,
pour ne pas être trop ému ou bouleversé.
Colville, Janvier 1971, collection privée, M&M. |
Il n’y a pas ici de morale. Nous
avons affaire à des êtres humains sans héroïsme ou vilenie particulière, se
débrouillant comme ils peuvent. C’est tout à fait terrible et bouleversant.
Parce que si vous voulez savoir
ce qui moi me faisait du mal, et qui m’en fait jusqu’au jour de maintenant,
c’était de voir ce genre de choses sur les habits des Juifs que nous allions
tuer : une broderie, des boutons en couleur, ou dans les cheveux un ruban.
Ces tendres attentions maternelles me transperçaient. Ensuite je les oubliais,
mais sur le moment elles me transperçaient et je souffrais pour les mères qui
s’étaient donné ce mal, un jour. Et ensuite à cause de cette souffrance
qu’elles me donnaient, je les haïssais aussi. Et vraiment je les haïssais
autant que je souffrais pour elles.
Et si vous voulez savoir encore,
ma haine était sans fin lorsqu’elles n’étaient pas là pour serrer contre elles
leurs joies sur terre pendant que moi je les tuais. Un jour, elles leur avaient
brodé ou mis un ruban dans les cheveux, mais où étaient-elles lorsque je les
tuais.
Pas mon genre de lecture, alors je me contenterai d'avoir lu ton billet...
RépondreSupprimerEn effet, ça ne me semble pas trop ton genre de lecture.
Supprimerce n'est pas mon préféré de l'auteur même si je l'ai plutôt apprécié
RépondreSupprimerJ'ai d'autres titres de lui à lire, mais c'est le premier. Le hasard des prêts entre amies.
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